Les conditions de vie à Polunsky par Hank Skinner
Le 2 février 2002
Avant-hier, les choses ont vraiment pris un sale tournant ici. Ils ont commencé par emmerder Rick Rhoades à propos d'une brique de lait vide et ont refusé de le nourrir. Du coup, Richard Cartwright et Paul Colella ont dégoupillé. Cartwright a bloqué ses menottes et il s'est fait  gazer, mais il en a pris dans les yeux alors il est sorti dès le deuxième jet de gaz, il s'est laissé menotter et il est sorti. Ensuite ils lui sont tombés dessus pour s'amuser. Le grand gardien black était le numéro #2 de l'équipe, ils ont battu Rick méchamment. Ils lui ont éclaté le nez,  ses yeux étaient enflés et noirs, ils ont abîmé sa jambe et lui ont quasiment cassé un bras. Ils l'ont passé à tabac après qu'il se soit rendu. Je l'ai entendu dire " ok, ok, c'est bon je me rend ", et ensuite je les ai entendu le taper sur la tête et dans les côtes. Je viens juste d'apprendre qu'il a une luxation du bras, ils ont dû l'emmener à l'infirmerie, lui filer un tas de calmants pour lui remettre l'articulation en place. Il est explosé. Il est stoïque, il dit qu'il va bien, mais nous, on sait que ce n'est pas vrai. Ensuite, ils s'en sont pris à Paul. Il a réussi à en cogner un dans les testicules deux ou trois fois. Ils étaient fous de rage parce que Paul s'était rendu et était sorti de sa cellule tout seul plutôt que de les forcer à venir le chercher. Mais comme il était hors de sa cellule, ils ne pouvaient pas lui faire grand chose, d'autant qu'ils le filmaient : pas de preuves.

Puis, ils se sont pointés ici au petit-déj et ont commencé à me gonfler à propos d'une brique de lait. Une brique contient 24 cl et on l'utilise pour boire (après avoir bu le lait) puisque Chance nous a confisqué nos gobelets.

Voilà comment çà se passe : à l'heure du repas, selon le règlement, on doit nous donner, avec chaque repas, deux fois 24 cl de n'importe quelle boisson. Après que Chance nous ait confisqué nos conteneurs pour nous punir des actions de Paul, la seule chose qu'il nous restait pour boire c'est la brique de lait vide du petit-déj et ça nous a pris deux jours pour en avoir deux, en conservant celle de chaque repas. Ils ont des toutes petites tasses de 12 cl et ils ont essayé de nous les refiler mais ils ne nous en donnaient qu'une par personne. De fait, on nous réduisait notre quantité de boissons de 36 cl par repas. Et ils reprennent les petites tasses après  chaque repas quand ils viennent récupérer les plateaux. Si vous n'êtes pas en restriction de conteneur, vous avez du lait au petit-déj. Ces briques de 24cl ont pile la bonne taille, elles sont jetables et on en a une neuve chaque jour, c'est bien de l'utiliser pour la journée et de la jeter ensuite. La trappe fait 41 cm de large, 13 cm de haut, c'est un rectangle horizontal. Quel que soit le réceptacle dans lequel vous buvez, il doit forcément passer verticalement par la trappe, du coup on est limité dans ce que nous pouvons utiliser pour boire. Les boissons des repas sont importantes pour deux raisons :

1/ Il nous en faut un maximum pour réussir à avaler la bouffe qu'on nous donne.
2/ Pour les niveaux II et III, la boisson du repas est la seule chose que nous ayons à boire (mis à part l'eau du robinet de la cellule).

La restriction de conteneurs est la punition pour avoir balancer quelque chose sur un gardien et ce n'est que ça. Si vous êtes en restriction de conteneur et qu'ils vous attrapent avec un conteneur dans votre cellule, ils vont exiger que vous le leur donniez et, si vous refusez, ils vous gazeront et feront une extraction de cellule. Alors vous imaginez ce qu'on a ressenti quand Chance nous a tous punis pour ce que Paul lui avait fait - il lui  avait balancé des excréments. La seule raison de se retrouver en restriction de conteneur doit être validée par le formulaire I-203 venant de la commission de classification après que vous ayez balancé quelque chose sur un gardien. Chance a pris une décision arbitraire en nous punissant tous sans passer par aucune procédure ou aucune paperasse officielle, et maintenant je n'ai plus de conteneurs et ils veulent me prendre la seule chose qu'il me reste pour boire. De fait, ils m'imposent une restriction de conteneur sans raison, me punissant pour les  actes de quelqu'un d'autre, en violation du règlement en m'interdisant de faire valoir mes droits lors d'une audience disciplinaire. Pour citer Rick Rhoades " Je me sens comme une mouche entre les mains d'un môme sadique qui m'arrache mes ailes et mes pattes une à une. "

Au petit-déj, j'ai placé mes briques de lait dans la trappe, le Sergent Travis Seppanen (vous vous souvenez de lui, 2ème service à Ellis, l'un des pro suprématie blanche quand il était encore gardien, un des accusés dans ma plainte). Bref, Seppanen récupère mes briques et me dit que je ne peux plus m'en servir pour boire. Du coup, j'utilise mon pot à crayons. Quand ils viennent récupérer les plateaux, ils demandent à Seppanen " où est sa brique de lait ? " - ils les reprennent après le repas maintenant - Seppanen dit " il n'en a pas eu, il a un gobelet en plastique. " Ils referment la trappe et s'en vont.

Ils vont à la cellule de Cartwright et lui demande de rendre sa brique de lait, il refuse et leur dit " quand vous me rendrez mon gobelet que Chance a confisqué, je vous donnerais la brique de lait. Entre temps, il faut bien que j'ai quelque chose pour boire et je ne suis pas en  restriction de conteneur de toutes façons. " Seppanen s'en va. Un moment plus tard, le Sergent Dickerson se pointe et nous dit que Massey a décrété qu'aucun d'entre nous ne peut conserver une brique vide après les repas, ils viennent les récupérer. Alors Chance nous a déjà piqué nos gobelets et maintenant Massey veut nous prendre nos briques vides. Donc nous n'avons plus  rien du tout pour boire. Sergent Dickerson dit qu'ils vont nous rendre nos gobelets. Nous lui disons que tout va bien alors, nous voulons juste quelque chose pour pouvoir boire. Dickerson revient deux heures plus tard avec les gobelets. Nous lui rendons les briques. Fin de l'histoire, oui ? Non.

Seppanen revient et fait un rapport disciplinaire sur moi et Cartwright, prétendant qu'il nous avait donné chacun un ordre direct pour rendre les briques et que nous avons refusé. C'est vrai qu'il l'avait formulé directement à Cartwright, mais jamais à moi. Non seulement, Seppanen me colle un faux rapport disciplinaire, mais il nous colle, Cartwright et moi, en restriction de nourriture*.

Le lendemain, je suis furax à propos de ce nouveau mensonge, mais je me dis que peut-être Seppanen m'a confondu avec Cartwright et je décide de faire ce qu'il faut en essayant de lui en parler. Il vient à ma porte de cellule et me parle mais il maintient son mensonge. Je lui explique que ce genre de truc pousse les prisonniers à s'en prendre aux gardiens car on nous ment continuellement et on nous punit injustement. Du coup, autant être puni pour quelque chose. Alors je lui pose la question hypothétique  " comment allez vous vous sentir si je vous balance quelque chose à cause de ce mensonge et du faux rapport disciplinaire que vous m'avez collé ? Vous ne pourrez rien dire puisque c'est vous qui en êtes la cause. Vous comprenez ce que j'essaye de vous dire ? ". Il me dit " Ouais, mais je ne vais pas annuler le rapport, c'est trop tard de toutes façons " et il s'en va. Il me pond un deuxième faux rapport disciplinaire. Cette fois-ci, il prétend que je l'ai menacé lors de notre conversation. C'est une accusation très sérieuse. Voyez ce qu'il se passe quand on essaye d'expliquer au type la façon d'éviter les problèmes, pour tenter de lui faire comprendre pourquoi les gardiens se font attaquer ou entartés et comment ils peuvent y mettre fin. Il me ment et me punit aussi pour ça. Super, non ?

Hank Skinner #999143
… La restriction de nourriture (food loaf) consiste en fait à suspendre la distribution de  plateaux-repas pour les prisonniers punis de la sorte, pour plusieurs jours ou plusieurs semaines. Pendant cette période, la nourriture n'est qu'une " miche " fait des restes des autres plateaux passés au mixeur avec de la farine et cuit comme un pain.

Traduction par S. Ageorges
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