La Grève de la Faim
Par Roy Pippin
Le 7 mars 2002
Ma motivation pour la grève de la faim, la grève elle-même, ce qu'elle a changé et comment  je l'ai vécue.

La motivation tourne autour des conditions inhumaines, déshumanisantes, des tactiques et des procédures démoralisantes utilisés à notre encontre, ajoutez à cela, les intimidations quotidiennes auxquelles nous devons faire face. Je n'avais jamais eu de problèmes avec les gardiens à Ellis. Il n'y avait pas de raison pour ça. Ils étaient plus ou moins obligés de nous respecter puisqu'ils se déplaçaient parmi nous et ils savaient pertinemment que nous allions défendre nos droits et notre dignité. Alors le déménagement à Terrell/Polunsky a été le premier pas franchi par le TDCJ vers les mauvais traitements qu'il pouvait désormais se permettre avec la bénédiction de Bush. La façon dont nous avons été traités lors de notre transfert en bus m'a tout de suite fait comprendre dans quoi nous mettions les pieds. Aucun animal n'aurait pu être traité ainsi sans que le public ou les autorités ne se manifestent pour y mettre fin immédiatement. Ils nous ont ficelés comme aucun animal n'est attaché. Le voyage s'est résumé aux pleurs et aux gémissements de douleurs d'hommes adultes. Des chaînes et des cadenas ont été utilisés à la place des chaînes conçues pour des êtres humains. J'ai su à ce moment-là que nous partions pour l'enfer. J'avais raison. J'ai tout de suite envoyé des lettres de protestation à propos des conditions et du traitement pendant ce transfert. Personne ne s'en est soucié. J'ai écrit à des avocats et diverses organisations humanitaires. Pas une seule réponse. J'ai ensuite écrit au directeur et aux membres de la commission du TDCJ. Là j'ai obtenu une réponse. J'ai été convoqué au bureau du Warden Massey " pour écouter un discours " (comme celui que j'ai entendu récemment de Messieurs Lewis et Robinson). Là ma quête pour la dignité m'est apparue encore plus incontournable et ne m'a jamais quittée depuis. Je n'avais pas d'autre choix que de l'interrompre constamment pendant qu'il expliquait que " les choses allaient changer à partir de maintenant et que je me ferais bien de m'y habituer. " " NON ! " Un commentaire en particulier, je jure devant Dieu que Massey a dit (Il a dit récemment à Nancy qu'il n'avait jamais dit ça - FOUTAISE !), se référait à la façon dont nous étions traités et ce à cause de la FACON AVEC LAQUELLE LES ANIMAUX SAUVAGES, LOGÉS DANS LES CELLULES QUI SONT MAINTENANT LES NOTRES, AVAIENT ABUSÉS SES GARDIENS DANS LE PASSÉ. Je lui ai précisé que l'isolement, les cellules de privation absolue, combiné avec la façon dont les gardiens provoquent les comportements violents en nous arrosant d'insultes et d'immondes commentaires racistes, expliquent pourquoi les hommes en sont réduits à agir de la sorte. Massey n'a rien voulu entendre et il a essayé encore et encore de me faire avaler ses tactiques d'intimidation. Il a dit que j'allais devoir m'y faire et que Terrell était géré différemment des autres prisons. SANS BLAGUE ! ! Comme les prisons médiévales. Certains commentaires qu'il a fait pendant notre entrevue étaient :  " NOUS DEVONS VOUS TRAITER COMME CA À CAUSE DE LA SÉCURITÉ  POUR NOS GARDIENS - QUE JE N'AVAIS AUCUNE IDÉE DE QUELLE SORTE D'ANIMAUX ILS AVAIENT À GÉRER, CEUX DANS LES CELLULES OU NOUS SOMMES MAINTENANT - QUE CEUX-LA NE SONT RIEN DE PLUS QUE DES ANIMAUX SAUVAGES - QU'ILS BALANCENT DE L' URINE ET DES EXCRÉMENTS SUR LES GARDIENS ET QU'ILS SE BATTENT AVEC LES GARDIENS OU LES DÉTENUS À LA PREMIÈRE OCCASION VENUE - QUE SELON L'ORDRE DU TRIBUNAL CONCERNANT LES CONDITIONS DE VIE DU COULOIR DE LA MORT, QU'ILS ATTENDENT TOUS LA CONFIRMATION DE LA COMMISSION POUR METTRE EN PLACE LE PROGRAMME DE TRAVAIL, NOUS DONNER DES TÉLÉVISIONS, LES SERVICES RELIGIEUX ET LES RÉCRÉATIONS DE GROUPE, L'ARTISANAT, ETC. "

Il aura fallu deux ans d'abus et de tortures psychologiques pour que certains hommes, des amis qui n'avaient jamais manqué de respect envers les gardiens avant à Ellis, en sont réduits à balancer des déchets humains sur les gardiens pour exprimer un sentiment un tant soit peu à la mesure du manque de respect dont ils souffrent quotidiennement. Une personne dans le monde libre ne peut pas comprendre ce que c'est d'avoir un homme, comme vous et moi, devant une cellule qui vous traite de tous les noms et vous dit que votre mère doit être fière de vous. Les gardiens le font uniquement pour vous provoquer, avoir un prétexte pour vous tabasser et vous passer en niveau disciplinaire. Tout cela est enregistré parce que je n'ai pas utilisé la violence, j'ai juste pris mon stylo et du papier pour ne plus subir tout ça. Certains d'entre nous ont eu recours à la violence en balançant de l'eau chaude ou en essayant de donner des coups de pied tout en étant menottés derrière le dos. Un ami s'est retrouvé en niveau disciplinaire pour avoir mis une claque à une gardienne qui l'avait traité de fillette et de dégonflé, puis elle a continué en disant " qu'est-ce que tu vas faire, je t'appelle comme j'en ai envie. " Il a réagi immédiatement sans se soucier des conséquences. Cette gardienne travaille toujours ici bien qu'elle ait eu un rapport disciplinaire pour avoir passé sa tête entre les barreaux de la cellule de récréation pour le provoquer. Ils n'arrivent pas à garder le personnel ici, alors ils les laissent s'en tirer comme çà avec ce genre d'abus.

La grève de la faim a été dure au début mais c'était la force de la volonté contre la faim ! J Je buvais entre 10 et 20 verres d'eau par jour pour avoir la sensation d'être repu. Des amis ont essayé de me faire suivre du lait et des céréales. C'était difficile de refuser mais je l'ai fait parce que je ne voulais pas que la prison puisse dire que j'avais fait semblant. Les gardiens refusaient de noter que je ne prenais pas mes repas pour essayer de me discréditer ou peut-être par j'men foutisme. Je pensais vraiment pouvoir tenir 40 jours, mais j'ai commencé à avoir des trous noirs à cause de la chute de ma tension artérielle. L'infirmière n'arrêtait pas de me dire que je m'abîmais les reins, mais je n'ai ressenti aucune douleur avant le 30ème jour. C'est là que tout a commencé à déconner. Je prenais de l'Alka Seltzer pour calmer l'acidité de mon estomac, mais au bout de 30 jours j'avais éclusé mon stock. Là ça a commencé à être insupportable parce que l'acidité remontait jusque dans ma gorge et j'avais du mal à respirer. Le 35ème jour a eu raison de moi. L'acidité est remontée jusque dans mon nez et ma gorge et je ne pouvais plus respirer. C'est là que je me suis arrêté.

Est-ce que cette protestation a fait une différence. Je sais que oui. Nous n'avions jamais auparavant pu continuer les récréations, les repas chauds, les douches et les achats pendant que la population générale était en lockdown. Cette fois-ci nous n'avons pas été placés en lockdown. Cela aurait signifié encore 14 jours d'enfermement total dans nos cellules. Mais grâce à la publicité et l'information que vous avez fait circuler, tout cela a porté ses fruits. Les plaintes régulières concernant les repas qui nous sont servis glacés ont permis une légère amélioration. J'attribue les portions plus grandes de nourriture à la bataille menée par les " GUERRIERS " du niveau III qui sont au bloc F. Mon action semble avoir réveillé quelques groupes abolitionnistes ces derniers temps. Il y a maintenant une manifestation devant la prison tous les mercredi. Voilà quelques éléments qui n'auraient sans doute jamais vu le jour sans actes de protestation. Souvent je me dis que je devrais retourner au niveau II ou III pour rester en phase avec ce qu'il se passe mais Lil', Jack, Paul, Hank et d'autres continuent la lutte. Maintenant que j'ai appris que mon dossier va en appel fédéral, je dois me concentrer sur plusieurs choses avant de retourner au bloc F. Si je n'explose pas avant et si je ne me retrouve pas en niveau disciplinaire un jour ou l'autre parce qu'un crétin aura voulu jouer aux gros bras. J'espère que cela n'arrivera pas, mais si cela doit être le cas, je saurais gérer la situation.

Roy Pippin
#999170

Traduction par S. Ageorges

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