EN DIRECT DU COULOIR DE LA MORT DU TEXAS
Par Paul Colella
Semaine du 22 février 2002
Nous sommes en lockdown depuis 13 jours maintenant, mais on en est seulement au jour 1 de la semaine 2 du planning de lockdown. Après la nuit dernière, je me sens plutôt bien. Ce matin à 7h, ils ont commencé le roulement pour la douche. J'étais le premier. Ils m'ont emmené et pendant ce temps-là, ils ont ENCORE fouillé ma cellule. Harcèlement ? Bien sûr, mais il faut bien que je me douche puisque nous n'y avons droit que 3 jours par semaine.

13h - Je suis convoqué au bureau du Capitaine. Il y avait également un assistant et un capitaine de la direction régionale qui étaient présents. On dirait bien que tout ça fait son chemin et que nous commençons à être entendus. Ils voulaient que je leur donne mon avis sur les divers problèmes. J'ai essayé de tout parcourir avec eux, y compris nos demandes par rapport aux produits d'hygiène pour les niveaux II et III. Ils m'ont dit que c'était une visite surprise et qu'ils ont vérifié la nourriture et la température aujourd'hui. Nous avons eu au menu : 1 poisson pané, 2 tranches de pain blanc, une cuillérée de pommes de terre, une de petits pois et une d'épinards, de la limonade (les détenus en lockdown ont reçu leur premier repas chaud de la semaine).

Je ne me souviens plus de son nom, je crois que c'était Robby Robinson, mais il m'a dit qu'il n'y avait aucun problème par rapport à la nourriture aujourd'hui et d'ailleurs, c'est vrai, mis à part, la fadeur de l'ensemble et la taille des portions. Il y a une chose que j'ai oubliée et je m'en botte les fesses tout seul maintenant, c'est l'utilisation excessive du gaz et de la force pour les extractions de cellule, mais je vais leur mettre un mot au courrier dès ce soir. Je n'en reviens pas d'avoir oublié un truc pareil. Mais pour le reste, je pense n'avoir rien oublié.

Je voudrais demander la collaboration de chacun d'entre vous. On dirait que les choses évoluent ici. La réalité est suffisamment moche sans avoir besoin d'être déformée. S'il vous plaît, ne déformez rien lorsque vous écrivez pour nous ou en notre nom. Cela n'est pas nécessaire car la vérité est tout ce dont nous avons besoin et croyez-moi, elle est en train d'être entendue en ce moment. Ce qui m'amène à vous parler de ça c'est qu'apparemment quelqu'un aurait écrit une lettre disant que nous étions forcés à aller en récréation nus et qu'un homme avait été forcé à rester dehors nu. Si quelqu'un de chez nous raconte ça, j'ai du mal à le croire.

Nous subissons des fouilles à corps et nous allons à la récréation en shorts et lorsque nous arrivons dans la cour, on nous rend notre pull. Si quelqu'un est coincé nu dans la cour, demandez lui de déposer une plainte en bonne et dûe forme pour qu'au moins il y ait des traces. Si vous avez un doute sur la procédure à suivre ou sur la façon de l'appliquer, écrivez-moi et demandez-moi. Je ne vais pas faire tout un tralala, comme je le disais plus haut, les choses bougent et nous avons bon espoir pour le futur proche. Continuez à envoyer des lettres et à passer des coups de fils.

15h30 - Big Rob, de la section E, vient de se faire gazer. Il a refusé de sortir de sa cellule pour la fouille. Maintenant le Sergent Hofer et les gardiens de service sont devant la cellule de Rick. Il a déjà eu une fouille ce matin pendant qu'il était à la douche. Le harcèlement au top. Ils sont repartis et revenus pour lui dire qu'ils n'avaient pas l'intention de l'embêter. C'est bien ! ! Je suis content qu'ils commencent à aller dans la bonne direction. Le chauffage a encore été coupé toute la journée. Quand j'en ai parlé à Mr Robinson et au Capitaine Warner devant le sergent Griffin. Griffin a rétorqué qu'il allait appelé la maintenance. J'ai souri.

Toujours pas de chauffage, il est 19h40.

20h36 - j'aimerais parler d'un ou deux trucs rapidement. D'abord, les messages précédents  dans lesquels j'ai parlé de deux détenus placés en restriction de nourriture pour avoir refusé de rendre leurs briques de lait vides. Je vous clarifier un truc. Hank Skinner a été le premier à refuser. Quand le Lt est venu lui parlé ainsi qu'à Chi Town, ils les ont rendues pensant que ce serait la fin de l'histoire, mais pas du tout, puisqu'ils se sont retrouvés tous les deux en restriction de nourriture à cause de ça. Hank se bat depuis si longtemps avec ces mecs et il en paye le prix. Je sais que je suis lu à l'extérieur et ce que je vous raconte à mon propos, il le vit depuis des années et il n'a jamais lâché sur rien. Je voulais juste éclaircir parce qu'avec tout ce qu'il se passe autour de moi, c'est parfois difficile de ne rien oublier. L'autre chose dont je voulais parler c'est la solidarité ici. Tout ce qui se passe ne concerne pas que moi. C'est simplement que mes écrits sont lus mais il s'agit ici d'un effort collectif et que nous en souffrons tous. Pourtant, nous ne lâchons pas et nous ne cédons pas, alors la bataille continue dans la solidarité. Hank, Chi, Soulja, Rick, DW, moi, T, Birdman.

Ouais, Birdman les a forcés à faire venir une équipe ce matin au petit-déj toujours à cause d'une brique de lait, je viens juste de l'apprendre. Certains d'entre nous n'ont toujours pas de gobelets. Je dois aussi rendre hommage à K Loc, EJ et le reste, ainsi que Roy Pippin et les autres. Nous les encourageons et nous les soutenons. Car il ne s'agit pas que de nous au niveau II et III mais bien du couloir de la mort et des conditions de vie que nous endurons. Surtout, ne m'attribuez pas tout, je ne suis que le porte-parole d'un groupe.

22h20 - J'avais tout oublié à propos de la visite de Chance ce matin. Oui, le merdeux en personne s'est arrêté devant ma cellule pour me dire qu'il ne parlait PAS de mon dossier quand il a dit qu'il serait heureux d'être témoin de mon exécution. Il parlait simplement du fait que mon exécution lui rendrait justice pour toute la merde que je lui avais balancée dessus. D'une certaine manière il est plus à l'aise à l'idée que l'on m'exécute pour cela que pour ma condamnation. Je n'arrive même pas à croire qu'il soit capable de raconter des conneries pareilles, mais il a dit ce qu'il avait à dire et il a tourné les talons. Comme je le disais, je ne suis pas fier de ce que j'ai fait mais le regret se transforme en mépris pour un homme qui n'a ni moralité ni compassion. Qu'il aille au diable. En fin de compte, aujourd'hui aura été une bonne journée. Nous sommes entendus et les changements ne sont pas loin.

Les lettres adressées à la direction régionale doivent être précises ainsi que celles pour la commission et pour Gary Johnson. Comme je l'ai dit, nous devons nous appuyer sur la vérité plus que jamais. Dites bien à ceux que vous aimez dans le couloir que ceci est pour chacun d'entre eux et faites-leur suivre copies de nos écrits, les miens, ceux de Hank, de Roy et tous ceux que vous recevez pour qu'ils lisent et qu'ils comprennent. Nous sommes tous  reconnaissants de votre aide et de votre soutien.

Dans la lutte et la solidarité,
Paul Colella
paul@deathrow.at

Ceci vous parviendra certainement avant mon journal du 13 au 21 février et ce grâce à Nancy Bailey - merci Nancy ! Alors ne manquez pas cette semaine-là quand elle tombera sur vos téléscripteurs.

Traduction par S. Ageorges
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