EN DIRECT DU COULOIR DE LA MORT DU TEXAS
Par Paul Colella
Semaine du 25 janvier 2002
Le 25 janvier

Ce soir, j'ai reçu une lettre de ma mère qui a illuminé mon coeur. Je pensais qu'elle allait me faire part de ses inquiétudes et me demander de me tenir à carreau, de ne pas me faire remarquer. Au contraire, sa lettre était pleine d'encouragements et de fierté.  Elle était fière que je me batte et que je défende mes convictions. Du coup, ils ont du souci à se faire parce que maintenant que j'ai le soutien de ma mère, je pourrais tout supporter. Aujourd'hui tout est calme.

Le 26 janvier/6h du matin

Aujourd'hui, je pense au suicide. Ce n'était qu'une pensée éclair mais quand même très profonde parce que même si mon expérience est instinctive dans le meilleur des cas, mon désir de vivre et d'être libre annule tout autre pensée.

Je vis dans cet enfer depuis 9 ans. Les deux dernières années ont été pire que les autres à cause de l'isolement carcéral et du manque de moyen d'expression. J'ai tellement d'idées géniales pour fabriquer de belles choses, pourtant, je ne peux pas puisque nous n'avons plus accès à l'artisanat, ce qui était autorisé à Ellis depuis 20 ans.

Parfois, mais pas si souvent que ça, l'envie de suicide s'installe, mais tant que je ne la laisse pas prendre racine, elle n'a aucune chance d'aboutir. On a tous des jours comme ça. Je devrais être content de la lettre de maman reçue hier soir. Sans elle, ce coup de blues d'aujourd'hui serait sans doute bien pire. Mais ça ne va pas durer, cela ne dure jamais avec moi et lorsque tout le monde se réveillera et commencera à parler et à bouger, mon humeur s'éveillera.

21h30

Je n'en reviens pas du nombre de gradés qui ont ri et qui sont venus me féliciter d'avoir atteint ma cible avec mon lancer de merde. Ils disent tous la même chose " maintenant il sait ce que ça fait, parce que nous les officiers ça fait des années qu'on assume la merde et on n'a jamais vu personne prendre aucune précaution. Maintenant sous prétexte que c'est un membre de la direction tout devrait changer ". Quelle chochotte. Les gradés et les prisonniers l'appellent le sous-directeur chochotte. " Qu'est ce que ça sent ? ". Bien sûr les gradés ne l'appelleront pas comme ça devant lui, mais nous oui ! !

Le bloc F a une certaine réputation, surtout le niveau 3 qui est séparé du niveau 2. Très peu de femmes travaillent ici à cause des lancers de merde et des branleurs. (Il y a des hommes qui se masturbent systématiquement dès qu'une femme s'approche de leur cellule). Je peux  comprendre et d'ailleurs je l'ai déjà fait mais je n'ai éprouvé aucun plaisir à voir une femme habillée. Bien sûr je suis un homme, donc le désir est là. En fait, il y a des femmes qui travaillent ici et qui sont marteaux, elles s'en fichent complètement que l'un d'entre nous se masturbe en la regardant, en lui sortant des insanités, mais bon c'est le lot de tout le système carcéral et pas juste celui du couloir niveau 2 et 3. Je suis vraiment surpris que les tensions et frustrations sexuelles du couloir ne soient pas plus importantes. Normalement, dans un environnement carcéral, certains mecs vont tirer avantage des homosexuels, c'est fréquent en prison. Mais ici, ce n'est même pas une option à cause de l'isolement. Je sais que les homos en sont fous de rage. Mais à cause de la tension et de la frustration sexuelle, les hommes se masturbent. C'est un fait de la vie courante, mais c'est aussi une violation du règlement. Quelle ineptie. Si une gardienne vient devant votre porte de cellule et que vous êtes en train de vous masturber, elle peut vous coller un rapport disciplinaire, ce qui peut vous valoir jusqu'à 6 mois au niveau avec suspension de privilèges par l'officier disciplinaire qui décidera TOUJOURS que le prisonnier est coupable.

Comme la plupart d'entre nous on été élevés dans l'esprit que la masturbation est une " mauvaise " chose, nous sommes relativement discrets à ce propos mais certains d'entre nous n'ont aucune inhibition et s'en fichent complètement de se faire prendre. Bien sûr il y a des crétins de gradés commeŠŠŠ qui utilise un rapport disciplinaire pour humilier un détenu sans comprendre qu'en fait, c'est justement ce qui excite l'intéressé.

Aujourd'hui a été relativement calme. La cellule de Rick a une fuite. Il a prévenu les gradés qui ont à leur tour prévenu les gardiens de service. Le temps a passé, Rick a commencé à s'énerver car en fait c'est l'écoulement des égouts qui tombe dans sa cellule. BD s'apprêtait à sortir pour la douche, il allait donc bloquer ses menottes dans la trappe pour faire venir les gradés de service. Juste pendant qu'il se préparait, le gradé de service se pointe devant la porte, coup de bol. Demain est mon dernier jour de restriction de nourriture, ça va faire du bien de manger un repas chaud. Mais les pains de nourriture se sont améliorés, ils sont un peu plus tolérables. Toute la nourriture semble s'être améliorée. Merci Capitaine Bacon ! ! Rendons à César ce qui appartient à César. En plus Bacon c'est son vrai nom. J

Le 28 janvier

La nuit dernière, le 3ème service de garde a demandé à BD d'emballer ses affaires parce qu'il va être transféré pour une audience. Il n'était pas au courant. Ils sont finalement venus le chercher ce matin vers 10 heures. Tout a été calme hier et aujourd'hui. Ils ont ramené le " meurtrier de la voie ferrée " (A. Resendiz) d'où il était. Il a été parti un moment, il a une barbe et il a l'air vraiment barré. Il est réputé pour s'auto-mutiler et c'est sans doute sadique mais certains mecs lui donnent des lames de rasoir pour qu'il se coupe. Oui, il y a des sadiques ici dans le couloir, mais nous ne sommes pas tous innocents. Quelqu'un, quelque part, doit veiller sur nous. Ils viennent juste de nous apporter nos plateaux du soir et je n'en crois pas mes yeux quant à la quantité de nourriture. Quasiment deux fois la ration habituelle. Des haricots rouges, du maïs, des haricots verts, des carottes et du pain de maïs. Un putain de repas. C'est la première fois au niveau 2 ou 3 que je suis repu. Quelqu'un a changé quelque chose. J'écoute parce que tout le monde en parle. Des commentaires du style " il doit y avoir quelqu'un d'important dans les murs " ou " ça doit être empoisonné ". C'est une grande première effectivement et je voudrais remercier personnellement la personne qui en est responsable. J'ai entendu le premier commentaire d'un gradé à propos de mon papier " instincts primaires ". Il était d'accord avec moi, il a trouvé que c'était bien écrit et bien ciblé. Je suis sûr qu'ils l'ont tous lu maintenant. Parlons un instant des éponges. Ceux qui lisent les récompenses du sang et de la sueur des autres, nous en avons parlé récemment. Quand je parle des éponges, je veux parler de ceux qui pleurnichent et qui râlent à propos de leur situation, mais qui ne font rien d'autre que de pleurnicher et de râler. Je les connais comme tout le monde, des ramollos, pas de tripes, des prisonniers intéressés qui sont plus soucieux de récupérer un peu de glace et leur  radio que de défendre les conditions de détention. Il y a toujours eu des gens comme moi et ceux autour de moi qui se battent pour ce en quoi il croient et puis ceux qui restent assis et nous traitent d'idiots ou de semeurs de merde, pourtant ils profitent bien de nos batailles. Ca nous fout les boules qu'ils n'essayent rien, même pas d'utiliser leur heure de récréation, ou de déposer des plaintes. Alors, ils peuvent éponger ce qu'ils veulent, je suis en accord avec moi-même et je défends mes convictions. Je suppose que tout le monde n'a pas le c¦ur a en faire autant. Je suis sûr qu'ils ont apprécié ce foutu repas autant que moi et ne savent pas qui en est le responsable. On rit, on s'amuse dans le couloir, ça se passe aux niveaux 2 et 3.

Le 29 janvier

Je me suis réveillé ce matin et j'ai écouté Ripkowski en train de jurer et de hurler, il parlait du gaz qui pénétrait dans sa cellule par les fissures du mur. Plusieurs autres détenus se joignent à lui, histoire de relâcher un peu de pression. J'ai fait plusieurs demandes par écrit pour qu'on vienne traiter les champignons et la mousse qui poussent dans les coins, l'eau et le savon n'en arrivent pas à bout. Ils n'ont pas non plus fait venir quelqu'un pour désinfecter nos trappes. On doit mettre nos vêtements sales, nos chaussettes et nos sous-vêtements dans la même boite à travers laquelle on nous passe la nourriture. Alors maintenant que j'ai fait la demande à tout le monde, qu'est-ce qu'il faut que je fasse de plus ?

Chi Town commence à péter les plombs. Birdman continue à siffler continuellement les mêmes airs, toujours les mêmes et ses sifflements rendent Chi complètement fou. J'en ai mal pour lui. C'est comme le calme avant l'orage. je sens que la semaine prochaine, ça va être radical. Je suis curieux de voir ce qu'il va se passer. Je sais qu'une fois que ça commence à chauffer, le lockdown ne sera pas loin. Chi Town a coupé ses cheveux comme un mohawk, il a l'air carrément sauvage. Je me ferais peut-être la même coupe, vendredi après la visite. J
 

Le 30 janvier - 3h30 du matin

Je suis resté debout toute la nuit pour parler avec Soulja et Chi Town à travers le trou dans le mur. Le petit dej a fini par arriver et comme toujours, ils commencent à servir de l'autre côté, donc nous sommes les derniers servis. La rangée 2 est servie en premier, la rangée 1 en dernier. Quand ils me passent mon plateau, je remarque qu'il manque un biscuit, alors je demande à Soulja combien il en a "2 ". Je n'en ai qu'un. Sur un plateau normal, il y a une mixture à base d'¦ufs, une cuillérée de beurre de cacahuète, 4 quartiers de poire, deux biscuits, une brique de lait et un petit bol de céréales. Comme je suis en restriction de conteneurs pour avoir bombardé le sous-directeur et le Lieutenant Roach, mon lait est remplacé par une tranche de pain et du fromage, les céréales sont remplacées par une portion supplémentaire de mixture aux ¦ufs, mis à part ça, je suis sensé avoir exactement la même chose que les autres. Alors quand je n'ai eu qu'un seul biscuit, j'ai réclamé au Sgt Seppenon et il me répond que les ¦ufs remplacent le lait et que le fromage remplace les céréales. Sauf que je suis au courant  parce que ce n'est pas la première fois que je suis en restriction de conteneurs. Je lui indique donc ce qu'il manque, il se retourne et s'en va. " Ok mec, va chercher ton équipe pour récupérer ton plateau ".

Il se passe un peu plus de 10 minutes et voilà qu'ils viennent chercher les plateaux. Chi Town dit qu'il ne rendra pas le sien non plus. Ils me font ouvrir la partie intérieure de la trappe. Je fais comme si j'allais placer mon plateau sauf que je ne le pose qu'à moitié et dit au sergent d'aller chercher son équipe. Je suis remonté, j'ai mis ma combinaison, une serviette pour couvrir mon visage quand ils vont me gazer. Mon matelas est posé à côté du lit. L'oreiller recouvre le siège des toilettes et ma couverture pliée sur le rebord de la table. Je suis prêt, les coins et les bordures coupantes sont recouvertes. Je provoque le sergent, de toutes façons, c'est un vrai trou du cul. Avant il était gardien à Ellis et il emmerdait tout le monde. Un vrai trouduc, il s'en va et revient avec le Lieutenant du 3ème service, Lt Tucker, un autre gradé honnête. Alors je lui explique tout, il me DEMANDE de sortir le plateau. Le mot-clef " DEMANDER ". Je le fais et il vérifie si j'ai dit vrai. Environ 5 minutes plus tard, il revient avec mon biscuit, je le remercie et lui dit que le sergent aurait pu faire la même chose. Il est d'accord avec moi, il secoue la tête et s'en va. Je crie en direction de Chi pour qu'il rende son plateau. J'ai eu ce que je voulais.

C'est encore un exemple d'une situation qui aurait tout à fait pu être résolue par un sergent mais qui lui a choisi de se comporter un con. J'étais prêt à aller jusqu'au bout parce que j'avais raison. Chi Town serait allé jusqu'au bout parce qu'il est mon frère et il savait que j'avais raison. Rick allait faire pareil, mais il a changé d'avis, il voulait attendre encore quelques jours. Quand ils déposent les plateaux, ils disent " Assis sur vos lits ", comme s'ils parlaient à un chien. DW a protesté ce matin-là et il était prêt à aller jusqu'au bout. Ce genre de situation pourrait être facilement évitée mais juste à cause d'un crétin de sergent et un règlement débile, un problème de rien aurait pu prendre des proportions incroyables. Heureusement, ça s'est bien terminé, mais si cela n'avait pas été le cas, je savais que j'étais dans mon droit !

22h30
J'ai reçu deux lettres ce soir, toutes les deux parlaient de mon article " Instincts primaires ". Je suis bouleversé par les réactions. Pour le moment, je me sens très soutenu et compris. Je suppose qu'il n'y a rien de tel que d'être soi même. J'espère que cela servira à quelque chose. Aujourd'hui, journée super calme. C'est l'heure d'aller se coucher, je suis debout depuis 22 heures d'affilée.

Le 31 janvier

Le mois arrive à sa fin, je me réveille ce matin, j'écoute Soulja qui discute. On dirait un gradé qui dit qu'ils (les gardiens) s'attendaient à ce qu'on mette le feu samedi. J Ils sont tellement nuls que ça prouve que leurs indics ne sont pas fiables du tout. Une seule personne qui met la zizanie ne veut pas dire tout le monde. Je suis sûr qu'ils ont renforcé le nombre de gardiens pour aujourd'hui J. Ce matin, au petit dej, 3h49 du matin, ils sont revenus pour nous faire asseoir pour manger. C'est vraiment leur délire de pouvoir ce truc, ils savent pertinemment que nous avons faim, donc que nous allons obéir et nous asseoir. C'est de la connerie, et d'ailleurs on en a parlé et nous nous sommes dit que nous allions nous asseoir mais que quand ils viendraient chercher les plateaux, ils pourraient se brosser. Ils ont installé des espèces de boites fermées devant les trappes pour éviter qu'on balance des trucs. Il n'y a pas d'autre raison que la cause elle-même. Ils peuvent bien nous dire de nous asseoir, si nous refusons, ils ne nous donnent pas à manger ET ils nous collent un rapport disciplinaire pour refus  d'obtempérer. Comme avec les chiens " Assis, assis, gggrrr et crac, ouie ! ! ! "  " Pourquoi est-ce qu'il m'a mordu ? ? "

Pourquoi est-ce qu'ils ne peuvent pas nous foutre la paix. Ils poussent encore et encore et encore un peu plus loin, toujours pour des babioles utilisées pour nous provoquer. On est supposés être les pires des pires et pourtant ils nous essayent de nous traiter comme des gamins. Aucun respect, je n'y comprends rien.

C'est reparti pour un tour. Rick avait une brique de lait et il refuse de la rendre, alors le sergent Griggs lui a dit que Massey avait dit " ne le nourrissez pas ". Ceci est illégal. Ils ne peuvent, sous aucun prétexte, refuser de nous nourrir. On va voir comment ça va se passer. Je m'attends au pire. Le Sergent Griggs avait vraiment le cul entre deux chaises parce qu'il savait parfaitement que c'est illégal. Même si l'officier Massey est responsable pour avoir donné l'ordre, c'est comme à la guerre, un gradé qui suit les ordres d'un officier supérieur est responsable de fait. Parce qu'il sait que c'est illégal mais applique quand même cet ordre. Non seulement c'est la faute de Massey mais cela devient également celle du sergent Griggs et des gradés Camb et Martinez. Ils diront qu'il s'agit d'une question de sécurité, mais c'est de la  connerie.

Avec ces boites, nous ne pouvons rien balancer de toutes façons, alors la raison sécuritaire, elle est zéro. Chi Town va à la douche, quand il reviendra, il bloquera ses menottes pour que l'équipe se pointe et filme tout, ça nous permettra de faire enregistrer le fait que Rick ne mange pas. Chi Town a récupéré les menottes et la clef, il leur a expliqué pourquoi. Le Sergent Griggs est venu lui parler, aucune solution ne fut trouvée. Une équipe de 5 hommes a été mise sur pied pour l'extraction de cellule. Le Sergent Griggs a fait deux sommations à Chi, non ! Gaz pendant 5 secondes, 5 minutes d'attente. La procédure requiert deux sommations supplémentaires. Le sergent en a donné une. Chi a refusé. Le sergent Griggs l'a aspergé de gaz dans les yeux. Rich a dit qu'il allait sortir.

Regardez maintenant où se trouvent les violations du règlement
#1 Refuser de nourrir Rich
#2 Ne pas avoir fait de deuxième sommation
#3 L'infirmière King n'est pas venu laver ses yeux ou pour vérifier son état général

Une fois qu'il a été sorti de sa cellule, les gradés ont commencé à le traiter de tous les noms mais tout bas pour qu'on n'entende rien à l'enregistrement. Le seul que j'ai reconnu dans l'équipe c'était Baker. Quand il est passé devant ma cellule, il m'a demandé si j'allais lui donner l'opportunité d'être le point man quand ils viendraient m'extraire de ma cellule. Ca ne va pas tarder. Rich a les yeux en feux. S'ils continuent à refuser de le nourrir, je m'y mets aussi demain après ma visite.

7h15
Ils font une extraction de cellule sur Rick, 2 sommations, un jet de gaz, 2 sommations, un jet  de gazŠ

Le 1er février

Nous sommes donc le lendemain. Je suis installé dans l'ancienne cellule de Rick. Ils nous ont déménagé et voilà pourquoi :

Comme je l'ai dit plus haut, ils avaient décidé de le faire sortir et de fouiller sa cellule. 2 sommations, du gaz, 2 sommations, du gaz. Ils ont essayé d'ouvrir la porte, mais il l'avait barricadée de l'intérieur donc ils n'ont pas pu ouvrir. Encore plus de gaz. Je n'en revenais pas de l'agressivité ambiante et du spectacle monté par le sergent Griggs pour ouvrir cette porte. Avec 5 hommes qui poussent et donnent des coups de pieds, finalement la porte s'est ouverte. Rick a dit " ok, j'ouvre la porte " alors il a commencé à retirer sa barricade et ils lui sont tombés dessus. Il n'y en avait que deux de reconnaissables dans l'équipe, les gradés Baker et Rains. On ne connaissait pas les autres. On entend des cris, des hurlements de douleur. Quand ils l'ont sorti de sa cellule, son visage est démoli sévèrement. C'est filmé et ils ont fait des polaroids. Cette vision me met hors de moi et je dégoupille. Je commence à lancer de l'eau partout par-dessus ma porte en hurlant et criant à tue-tête " venez donc le récupérer le conteneur ". Rick est embarqué à la douche, histoire de bien mélanger l'eau et le gaz. Le sang dégouline sur son visage. Ils fouillent sa cellule, la 76, et l'emmènent à l'infirmerie où l'infirmière King soigne ses plaies. Quand ils le ramènent, ils le transfèrent dans la section E, cellule 67. Je balançais de l'eau sur tous les gradés qui passaient devant ma cellule. Je suis prêt et ma cellule les attend aussi. Ca va saigner. Je taille deux crayons et je les pose près de la porte. Le Sergent Thompson vient devant ma porte. Je lui montre le conteneur que je ne suis pas supposé avoir et lui dit de venir le chercher. Il s'en va puis revient, il me dit que si je sors de mon plein gré, le Capitaine Monroe viendra et que nous parlerons. Je réfléchis un moment, le Capitaine Monroe ne travaille plus dans le couloir, mais il a été toujours été juste. Je décide à ce moment-là de sortir plutôt que de les forcer à entrer. Je me penche pour qu'on me passe les menottes, le sergent Thompson se tient à ma droite, le gradé Lamb directement face à moi et le gradé Martinez à ma gauche. La porte s'ouvre, je lance un coup de pied le plus droit possible à Lamb, cherchant à atteindre ses parties génitales, je cogne 4 ou 5 fois avant que le Sergent ne m'attrape et je tente alors de le mordre. Ils me cognent dans le dos, et font descendre les coups jusqu'à mes mains, me ruinant la gauche. Elle est bien esquintée. Le gradé Lamb faisait partie de ceux qui avaient décidé de ne plus nourrir Rick, ça ne m'a pas gêné de m'en prendre à lui. Ils m'ont remis debout. L'infirmière est venue jeter un ¦il.

Ils me ramènent à ma cellule. Ils retirent une menotte, je tire sur l'autre, mais ils la tiennent fermement. Je n'y arrive pas alors j'arrête et ils la retirent, j'enlève mon bras. Le Sergent Thompson et le gradé Baker essayent de ramener mon bras dans la trappe. J'attrape une lame de rasoir scotchée à ma porte et je donne un petit coup ce qui coupe le Sgt Thompson sur la main, je rentre enfin mon bras. Je crie et je hurle que c'est de leur faute, qu'ils ont commencé à faire saigner, d'abord avec Chi Town, puis avec Rick. Une demi-heure plus tard, le Capitaine Monroe vient me parler. Ils vont me déménager à la cellule 76 (c'est ridicule !), prennent toutes mes affaires, me laissent le matelas et un oreiller. C'est le 31 janvier, il fait froid ! Il me demande si je vais encore semer la zizanie et me dit que la prochaine fois ce sera le lockdown. Souvenez vous que seulement trois personnes ont causé le problème, pourtant, ils sont capables de punir tout le niveau 3. C'est une stratégie dégueulasse pour nous monter les uns  contre les autres. Ce qu'ils ne voient pas c'est que nous le savons pertinemment et que ça ne prend pas.

Je lui dis que non, je n'ai pas l'intention de recommencer. L'équipe arrive et Monroe me donne sa parole. Ils ne me feront pas de mal. Alors je sors gentiment. La parole de Monroe est aussi bonne que la nôtre. Alors me voilà dans la cellule 76, gelé sans même un rouleau de PQ pour m'essuyer les fesses. Ils ont pris toutes mes affaires, y compris mon journal alors celui-là arrivera un peu en retard (cette feuille est illégale, je ne suis pas sensée l'avoir sur moi !).

Ce matin au petit déj, ils ont pris toutes les briques de lait. Chi en avait gardé une parce qu'il n'avait pas de gobelet. Quand j'ai fait mon lancer de merde sur les gradés, Chance a fait confisquer toutes les tasses et elles n'ont été rendues que quelques jours plus tard. Celle de Chi n'est pas revenue, alors il a utilisé sa brique de lait vide pour boire, il n'était pas en restriction de conteneur. Voilà ce qu'il s'est passé. Il a tendu sa brique pour avoir du café, le gardien Brainsetter l'a attrapée et l'a jetée et dit à Chi que c'est un objet de contrebande. Il lui en redonne une pleine. Ca ne vous paraît pas stupide ? ?

Mais après le petit-déjeuner, ils font le tour pour récupérer toutes les briques et bien sûr Chi Town refuse de rendre la sienne. " Amenez moi un gobelet et je vous rends la brique vide ". Le Lieutenant Tucker vient et dit qu'il va essayer de récupérer le gobelet de Chi. Donc Chi lui rend la brique et voilà qu'à l'heure du déjeuner, il se retrouve en restriction de nourriture, avec une miche en guise de repas. Encore une violation du règlement, il n'est dit nulle part que quelqu'un qui refuse de rendre une brique vide va se retrouver en restriction de nourriture. La bataille continue. Nos moyens peuvent paraître fous, oui c'est violent mais c'est la réalité. C'est notre vie. La violence ne devrait jamais inciter la violence, pourtant, il semble bien que ce soit la seule chose qu'il nous reste. Le système de plaintes internes est une vraie blague, les lettres adressées au directeur ne font rien non plus. Pensez à votre monde pendant un moment, à chaque petite chose. Puis pensez au mien, quand un gardien crache dans ma nourriture sachant que je vais manger parce que j'ai faim, quand un gardien va prendre mes photos de  famille, les jeter par terre, les piétiner, les arroser d'eau ou bien prendre un dessin dans lequel j'avais mis tout mon c¦ur et le jeter dans les toilettes, quand les gradés condamnent un gardien pour vous avoir mis des coups de poing ou pour vous avoir flanqué par terre parce que vous avez pensé tout haut, là où les appels au secours ne sont pas entendus, là où une brique de lait vide peut vous faire gazer et vous faire battre, alors demandez-vous ce que vous feriez, surtout si vous supportiez cela en plus du fait d'être innocent du crime pour lequel vous êtes ici. Réfléchissez-y !

Une tactique mesquine utilisée par l'équipe d'extraction :

Quand une équipe de 5 hommes est utilisée pour extraire quelqu'un de sa cellule ou de toute autre zone, l'équipe est sensée utiliser le moins de violence possible afin de mater et de menotter l'individu concerné. Quand une équipe de 5 hommes force votre porte en hurlant " arrête de résister, arrête de résister ", cela alors que dans les 10 ou 15 secondes qui suivent, le prisonnier va se trouver complètement maîtrisé, alors même s'il arrête de résister, pour utiliser leur vocabulaire, ils continuent le passage à tabac et vu qu'ils sont si nombreux sur un seul homme et que la caméra vidéo est à l'extérieur de la cellule, il est difficile d'en attraper un en train de donner un coup de pied ou un coup de poing.

La nuit dernière, le gradé Plown et un autre gradé étaient ceux qui ont tabassé Rick Rhoades, pourtant ils ne seront pas punis, même si sur le visage de Rick on peut voir clairement la marque d'une bague et d'un autre objet qui a servi à le taper, son épaule était luxée, son visage vraiment enflé et couvert d'ecchymoses.

18h10
C'était une bonne visite avec maman aujourd'hui. Une bonne visite ! Comme toujours ! Elle m'a fait promettre de ne pas protester dans le parloir. Bien sûr que non. Je ne mettrais jamais les visites en danger.

J'ai parlé avec ma s¦ur qui était en visite avec Town. J'ai aussi pu parler avec Bob Fratta. Il me dit qu'il écrit des plaintes chaque semaine, ce qui est bien. C'est ce dont nous avons besoin de la part de nos codétenus du niveau 1. Je sais que je m'emporte parce qu'ils ne font pas assez, mais chacun doit faire à sa mesure. C'est frustrant parfois de penser que nous ne sommes qu'une poignée à nous préoccuper de nos conditions de vie. Sur le chemin de retour vers ma cellule, le capitaine Bacon m'a kidnappé dans son bureau. Il voulait prendre la température et comprendre ce qui nous fait dégoupiller comme ça. Alors je lui ai tout déballé. Evidemment, je ne pense pas avoir tout résolu mais je pense qu'il comprend un peu mieux même s'il ne lâche pas d'un pouce sur aucun de ces problèmes. Il m'a expliqué pourquoi la quantité d'objets autorisés en cellule avait été réduite et c'est exactement ce que nous avions imaginé. Moins de travail pour eux pendant les fouilles. Je suis d'accord qu'un certain nombre de gars entassent  une quantité de trucs incroyables, des vieux journaux, des livres qu'ils ont lus, etcŠ mais quand même, si tout est bien rangé dans les endroits prévus à cet effet, je ne vois pas pourquoi ce serait un problème. Je vais lui faire parvenir une liste de nos revendications et une copie de mon article " instincts primaires " !

C'est tout pour cette semaine.
Paul Colella
Polunsky Unit/Texas/USA

* Death Row Plan : vient en complément du règlement général qui définit les conditions d'incarcération. Le death row plan comporte des conditions particulières qui ne s'appliquent qu'aux condamnés à mort.

Traduction par S. Ageorges - (c) La reproduction totale ou partielle de ce document ne peut se faire sans l'accord préalable de l'auteur.

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