EN DIRECT DU COULOIR DE LA MORT DU TEXAS
Par Paul Colella
Semaine du 14 avril 2002
Le 14 avril

Mes petites fleurs roses sont de retour. Lorsque j'ai emménagé ici, il n'y en avait que deux, maintenant il y en a cinq. J'ai regardé par la fenêtre ce matin pour la première fois depuis plusieurs jours et ça m'a fait pensé à la façon dont ces gens essayent de nous " tondre " jusqu'à la racine. Mais nous repoussons, à force détermination et de volonté. La survie ! Comme je l'avais dit, j'ai écrit pour savoir si je pouvais assigner Beard. J'ai écrit à Internal Affairs, au bureau de l'inspecteur général et ils n'ont pas répondu. La raison pour laquelle j'en parle, c'est parce qu'il travaille dans notre section aujourd'hui. Les gradés savent pertinemment que cela peut envenimer la situation de façon explosive, mais ils continuent à le faire travailler ici. Ils m'ont emmené à la douche, je voulais désespérément faire quelque chose, n'importe quoi, mais je ne l'ai pas fait. Je passerais par la voie légale pour qu'on ne puisse pas dire que je n'ai pas essayé.

Le 15 avril

La température commence à grimper sérieusement. Nos cellules dans la section F sont en train de devenir des saunas, pas vraiment de ventilation et dès que le soleil se lève, les murs commencent à chauffer. Plusieurs d'entre nous ont écrit au Major Lester et ont déposé des plaintes. Le temps que la plainte arrive à son but, il sera déjà trop tard et nos cerveaux seront cuits. Tout cela rend irritable et de mauvaise humeur. Grrr.

Le 16 avril

Le sergent a voulu coincer Hank ce matin au petit-déjeuner. La trappe de sa cellule s'ouvre de telle manière que le plateau ne peut pas tenir en équilibre à moins d'être tenu, sinon il tombe. Quand les gardiens lui ont donné son plateau, ils savaient qu'il fallait le tenir jusqu'à ce que lui le récupère. Quand ils sont venus récupérer le plateau, ils ont ouvert la trappe et il a maintenu le plateau pour qu'ils puissent le prendre. Le sergent Duff, qui a même peur de son ombre, a dit à Hank de le poser et de se reculer. Hank a essayé de lui expliquer que le plateau allait tomber mais Duff lui a dit de se reculer. Évidemment, la loi de la gravité a pris le dessus et le plateau est tombé par terre. Le sergent Duff a fait un bond en arrière, il a souri et a dit qu'il avait été agressé.

Nous ne sommes plus en lockdown. Duff n'a aucune raison d'être ici si ce n'est que pour le semeur de trouble qu'il est, il se doit de tout vérifier pour affirmer son pouvoir en tant que sergent, alors qu'il n'avait qu'à laisser les gardiens faire leur boulot. Je pense qu'il savait exactement ce qu'il était en train de faire. C'est vraiment pathétique parce que c'est tellement mesquin. C'est tellement évident, d'habitude il faut 3 à 5 jours pour qu'un rapport disciplinaire majeur soit validé et que le conseiller vienne vous voir pour définir la liste des témoins. Ils sont venus voir Hank moins de 6 heures plus tard. Ils veulent vraiment sa peau. Non ?

Le 18 avril

Je viens d'apprendre que le sergent Duff a essayé le même truc avec Elkie Taylor. Elkie vient juste de passer au niveau II, il y a une semaine ou deux, tout comme Kenny Parr et hier Victor Soldano. On nous a annoncé que les gradés ont demandé aux gardiens de fournir un rapport disciplinaire pour toute infraction mineure ; des photos sur les murs, rasoir, papier sur la vitre ou la lumière ; enfin le moindre petit truc pour continuer à remplir les niveaux II et III qui commencent à se vider. Quelle bande d'enfoirés.

21h30 - Il y a eu quelques soucis aujourd'hui. Soulja a bloqué sa trappe car il avait reçu deux chèques par courrier et le service du courrier n'a pas voulu l'autoriser à les endosser et à les renvoyer, ce qui est particulièrement mesquin. Le Sergent Poole est venu lui parler et lui a dit qu'il allait se renseigner. Du coup, Soulja a laissé tomber le coup de la trappe et Poole est parti voir ce qu'il en retourne. Un peu plus tard, il lui a fait parvenir un message, il avait vérifié le règlement, bla, bla, bla. Rien n'est résolu. Environ une demi-heure plus tard, ils emmènent T à la douche. Il finit par y rester 35 minutes. Il hurle pour qu'on vienne le récupérer et hurle à nouveau pour les gardiensŠ Finalement, ils arrivent vers lui, le menottent et le ramènent à sa cellule, referment la porte, ils défont la première menotte et T bloque la trappe. Il a récupéré les menottes, la clef et la sangle. Le gardien Pinkard prend immédiatement sa bombe de gaz au poivre, hurle que c'est une agression, secoue la bombe et s'apprête à l'arroser quand je crie " Vous n'avez pas le droit de le gazer. Il est dans sa cellule. Vous n'êtes pas en danger. " Je crois qu'il a été dépassé par la colère parce que dès que j'ai eu fini ma phrase, il a compris qu'il allait faire une bêtise. La bombe personnelle des gardiens est pour assurer la protection individuelle SI leur sécurité est en jeu. Ce n'était pas le cas. Bref, le Sergent Griffin débarque, T lui explique la situation mais refuse toujours de rendre les menottes et la clef. Du coup, le Lieutenant Price est appelé, il vient. T lui raconte l'histoire, il pense qu'il a fait passer le message et rend les menottes avec la clef. Pourquoi est-ce que tout cela est-il arrivé ? Parce que des paresseux de gardiens l'ont laissé à la douche pendant 35 minutes.

Le 19 avril

Écoutez bien celle-là. De bonne heure ce matin, vers 7h00, le gardien Blancet vient chercher Soulja pour l'emmener à l'infirmerie. Depuis 3 jours, Soulja se plaint de douleurs à l'abdomen et l'infirmière lui a dit de demander une consultation. Alors trois jours plus tard (il aurait pu mourir un certain nombre de fois en 72 heures) ils viennent enfin le chercher. Donc, il allume sa lumière. Le gardien Blancet le voit et lui dit qu'il ne peut pas l'escorter à la clinique dans cet état. Soulja n'a pas eu de coupe de cheveux depuis longtemps, la plupart du temps il est ébouriffé. Aujourd'hui, il s'est fait des nattes. On lui refuse son rendez-vous à la clinique ce qui est tout à fait illégal et contre le règlement. Il ne dit rien. Une demi-heure plus tard, ils viennent le chercher pour la douche et il sort de sa cellule, se dirige jusqu'à la douche et s'assoit. Le Sergent Poole arrive, parle et repart. Le Lieutenant Price vient et résout partiellement le problème, il dit qu'il va faire venir une infirmière et qu'il va faire vérifier avec le bureau régional pour savoir s'il est illégal de refuser un rendez-vous médical parce que le détenu a refusé de se faire couper les cheveux. C'est idiot, non ? Il n'y a pas de raison autre pour cet incident mis à part le fait que Soulja est noir, qu'il a les cheveux longs et que le gardien Blancet a un problème personnel avec lui. Blancet est blanc et chauve. Nous avons réfléchi aux mois passés et nous avons constaté que Blancet n'a jamais pourri la vie de personne, sauf celle de Soulja. On n'arrive pas à comprendre pourquoi.

L'incident n'était pas complètement résolu, mais il était géré normalement. La réponse du bureau régional est que nous ne pouvons nous voir refuser un rendez-vous médical sous prétexte que nous avons les cheveux longs, la barbe, etcŠ Mais ils le savaient dès le départ.

Ils en ont encore tué un hier soir. Les trois derniers, je les connaissais bien. Nous n'étions pas très proches, mais ça me fait quand même quelque chose. Williams Burns était l'une des premières personnes que j'ai rencontrée ici dans le couloir de la mort. Nous avons partagé de nombreuses tasses de café, dessiné ensemble et mis au point plusieurs techniques. Kojack, Jose Santellan et moi étions voisins pendant un temps et je jouais tout le temps au handball avec Gerald Casey. Tant ont été assassinés. Chaque fois, ça me vole une partie de moi-même. La date de Brian est dans 18 jours.

Le 21 avril

Dimanche après-midi, pour une raison inexpliquée, ils sont passés et ont coupé l'eau dans toutes les cellules, y compris l'eau du robinet ; on se demande s'il ne va pas y avoir une fouille. Mais nous n'en sommes pas certains pour le moment. D'habitude pour les fouilles, ils laissent au moins l'eau du robinet.

Madame Howell, la responsable de nos affaires personnelles, est venue et nous a donné nos ventilateurs. En fait, seulement deux personnes dans cette section les ont récupérés. Mais nous n'avons pas de prises électriques alors ils ne servent à rien. Oui, c'est la fouille. Il faut faire le ménage. À plus tard.

18h45 - Oui, ils sont venus. Ils cherchaient surtout des achats. Ils ont trouvé un peu de café ici, mais c'est tout. Mais ils ont dit avoir trouvé pas mal d'achats dans les cellules du niveau II, mais leurs cellules sont plus ouvertes que les nôtres. Là où il y a une ouverture chez eux, chez nous l'ouverture a été fermée et soudée. Cela n'a pas grande importance. Ils ne veulent pas que nous ayons de la nourriture. " Non, il ne faut pas qu'ils soient repus ". Quelle blague. L'exécution de Brian est dans 16 jours et il est toujours au niveau II. Quel dommage, il ne peut voir ses fils et sa famille que deux jours avant de mourir. Les salopards.

20h30 - Ils ont apporté tout un lot de rapports disciplinaires pour nous tous. Ils ont trouvé des achats, du café, de la bouffe, etcŠ La mesquinerie continue. Cela ne serait pas arrivé le mois dernier lorsque la tension était extrême. Mesquin, mesquin, mesquin. Ils ont fait sortir Hank parce qu'il les insultait. Le Sergent Griggs lui a dit de la fermer sinon il allait bouffer du béton. Bien sûr Hank a continué. Griggs l'a balancé vers le mur et l'a poussé contre le mur. DW a commencé à les prévenir de son côté et ils ont tenté de l'embarquer à la douche. Il s'est assis par terre. D'une façon ou d'une autre, il s'est retrouvé la tête la première contre la porte de la douche. Quand ils ont plaqué Hank contre le mur, DW a raconté comment ils avaient provoqué l'incident. Ils ont finalement été ramenés à leurs cellules.

Le 22 avril

Ils ont aussi collé un rapport à Hank hier. Ça me fout vraiment les boules de constater que lorsque nous sommes calmes, ils viennent nous chercher des noises pour des bêtises. Les rasoirs, les photos, les achats. Si chaque jour, nous bloquions les trappes de la cellule de récréation ou les menottes, ils ne s'amuseraient pas à ce petit jeu, mais dès que nous lâchons du lest, ils recommencent. Ça n'a vraiment aucun sens ? Hank était à deux semaines du niveau II. Ils l'ont cassé avec trois rapports disciplinaires pour des délits majeurs en moins d'une semaine. C'est vraiment lamentable.

Hier soir, j'ai écrit au Warden Massey pour lui parler des prises électriques. Aujourd'hui des gardiens sont venus vérifier toutes les cellules alors je me dis qu'ils vont sans doute les rendre opérationnelles d'ici à la semaine prochaine. Nous verrons bien. Howell n'est pas revenu distribuer les ventilateurs.

Le 23 avril

Le conseiller est venu m'apporter un rapport pour possession de contrebande (un demi-paquet de café). J'aurai eu le même type de rapport s'ils avaient trouvé un couteau avec une lame de 40 cm.  C'est vraiment ridicule, non ? Ils n'ont rien à faire de la nature des délits disciplinaires, le Major Lester et son complexe Napoléonien est là pour garder son pied sur nos nuques et ce quel que soit le délit constaté. Ce rapport aurait du être mineur, mais il l'a surclassé en délit majeur. Techniquement je devrais gagner parce que le gardien qui a établi le rapport n'était pas celui qui avait effectué la fouille. Donc, il n'aurait pas dû écrire le rapport vu qu'il n'a pas une connaissance directe des faits. On verra comment ça va se passer.

Cela fait un moment que je n'ai pas eu de retour à propos de ce journal. J'espère que vous ne vous désintéressez pas de la situation. Je sais que tout ne va pas à cent à l'heure tous les jours, mais le fonds reste le même. La nourriture s'est améliorée un peu. Les portions restent insuffisantes mais c'est déjà mieux qu'avant. L'air dans les cellules est un peu mieux mais ce n'est pas la gloire. Ils sont venus et ont bouché les trous qui laissaient passer de l'air autour des fenêtres.

Toujours aucune nouvelle à propos des télévisions, des activités de groupe ou à propos du système de classification et des abus.

Une des choses que nous avons remarquées, les mises à sac des cellules semblent avoir cessé.

Bon, j'espère encore avoir quelques lecteurs dans le monde libre. C'est tout pour aujourd'hui.

Dans la lutte et la solidarité,

Paul Colella
#999045

Traduction par S. Ageorges
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