EN DIRECT DU COULOIR DE LA MORT DU TEXAS
Par Paul Colella
Semaine du 21 mars 2002
Le 28 mars

11h30 - Ils ne nous ont pas servi le déjeuner qui est pourtant servi entre 9h30 et 10h00. J'ai demandé à un gardien. Apparemment, la population générale est en lockdown car deux types sont morts. Je ne sais rien d'autre.

Chi Town s'est pris un rapport disciplinaire ce matin pour avoir " menacé " la femme du courrier le 21 mars. Alors voyez plutôt ça. Admettons que cela se soit réellement passé le 21 mars, pourquoi auraient-ils attendu jusqu'à aujourd'hui pour lui coller un rapport ? Il est passé en semaine 2 le 25/3/02 et maintenant que nous allons passé en semaine 3, ils vont probablement lui coller un rapport pour le renvoyer au jour 1 de la semaine 1. Ce n'est pas une tactique dégueulasse ? Bien sûr que si. Alors que nous avons décidé de calmer le jeu pour sortir de ce lockdown, ils vont utiliser un vieux rapport pour le renvoyer à la case départ. Ils sont vraiment barrés ! ! Simplement pervertis ! !

Ils viennent le chercher pour aller à cette audience à propos du couteau trouvé dans sa cellule la semaine dernière. Bien sûr, ils vont le juger coupable et lui filer 15 jours de restriction de cellule. Ils l'ont déjà renvoyé au jour 1 de la semaine 1 à cause de cela depuis le 20/3.

Le 29 mars

J'ai eu la visite de mon avocate aujourd'hui. Le sergent Ludwig est venu avec la caméra pour me chercher. Mon avocate était quelque peu amusée. J Il semble que l'état a rendu sa réponse pour mon habeas corpus fédéral. Maintenant, nous devons y répondre. Évidemment, l'état a rejeté tout ce que nous voulions faire valoir, c'est leur boulot. Sachant cela, je reste malgré tout consterné par ce jargon juridique parce que, si on les écoute, tout semble sans aucun espoir. Bon, nous allons bien voir ce qu'il va se passer.

J'ai une ou deux réponses à donner à mon amie et j'avais oublié la dernière fois.

Oui, nous avons bien eu nos thermolactyls APRES que la température ait augmenté. Nous, au niveau II et III ne pouvons toujours pas en acheter. Nous avons eu vent d'une rumeur selon laquelle le Directeur avait les boules car on nous les avait confisqués sans qu'il soit au courant. C'était le Major Lester.

Mon amie m'a interrogé à propos de la ventilation. Il y a la ventilation dans chaque cellule ; les ventilateurs étaient ce dont elle voulait parler.

J'ai dit quelque chose à ce propos car pour l'été, ils sont censés nous donner nos ventilateurs. Je voulais parler de nos propres ventilateurs, ceux qui nous pouvons acheter. Au niveau II ainsi qu'au niveau III, nous ne pouvons les avoir que pendant l'été. Comme ils ont recouvert un certain nombre de prises électriques, nous n'aurons nulle part où les brancher quand ils nous les redonneront. Alors ils diront : " On leur a donné leurs ventilateurs ". On verra bien comment ça se passera.

Elle m'a aussi demandé ce que je voulais dire quand je parlais des gardiens qui ont une grande gueule. Ce sont les gardiens qui nous insultent, qui nous traitent mal et qui sont très imbus d'eux-mêmes. C'est fréquent qu'un gardien nous traite de " salope " ou bien de " punk ", ce qui est vraiment une insulte en prison.

Par exemple, un gardien qui distribuait le jus de fruit à l'heure du repas. Il était à court et à du aller remplir le pichet. Sur le chemin du retour, il disait : " si ça ne tenait qu'à moi, vous les punks, vous n'auriez pas de jus de fruits ". Voilà ce que j'appelle une grande gueule. Ils ne sont pas très nombreux, mais il y en a quelques-uns.

Le 30 mars

Tout a une fin. J'ai reçu un certain nombre de lettres à propos de la manifestation à l'extérieur et beaucoup d'entre vous sont inquiets que lorsque tout cela sera terminé, tout redeviendra comme avant. J'espère que cela ne sera pas le cas. Je sais qu'il y avait une réunion du TDCJ hier. J'ai essayé d'envoyer une lettre (copie ci-après) à trois reprises, mais à chaque fois le service du courrier me la retournée et je leur ai renvoyée. Une fois parce que j'avais utilisé une enveloppe faite maison et les deux autres fois parce que ma lettre était mélangée avec d'autres courriers qui étaient retournés à leurs expéditeurs car le bordereau n'avait pas été rempli correctement, ce qui n'était pas mon cas. Enfin, vous verrez ce que j'ai écrit à la fin de ce journal.

La chose principale que nous ne pouvons pas briser, c'est que les choses ici sont nettement plus calmes pour le moment. Le corps ne peut encaisser que jusqu'à un certain point, ensuite il a besoin de repos.

Mais nous avons vraiment besoin de vous à l'extérieur pour continuer, même une fois par mois devant la prison, pour les réunions du TDCJ et pour les exécutions.

J'espère que l'action de Nanon Williams prendra forme même si certains vont être furieux parce que tout va pointer le doigt vers eux et les montrer sous un jour plutôt désavantageux. Je sais que certains ne vivent que grâce aux achats et je sais qu'entre mai et juillet, beaucoup auront fait du stock. Ceux qui le peuvent. Ce qui en soi va à l'encontre du mouvement, mais au moins s'ils participent un tant soit peu d'une façon ou d'une autre, que ce soit physiquement ou en déposant des plaintes internes, en écrivant des lettres, quoi qu'ils fassent, cela nous aidera toujours. Et je vais continuer à écrire des articles pour réveiller le monde extérieur sur les injustices qui se déroulent derrière les barreaux et dans le couloir de la mort.

J'ai besoin de statistiques sur le monde carcéral, les crimes, les jeunes délinquants (garçons et filles), toutes les statistiques possibles sur le milieu des prisons. J'ai besoin de références. Il y a aussi certains livres dont j'aurais besoin si je pouvais me le procurer. Si vous voulez m'aider, merci de vous adresser à Sabine à : no.conditions@telweb.at ou bien à : sabine@deathrow.at et dites lui ce que vous pouvez faire. Je vous remercie d'avance pour votre aide précieuse.

Je continue de recevoir toujours plus de questions qui sont les bienvenues parce que je veux que chacun d'entre vous comprenne bien cet endroit.

Les visites du couloir : je ne sais pas très bien comment elles sont organisées, par qui et même pourquoi elles sont autorisées. Nous voyons pas mal de collégiens, comme visite scolaire ou un truc de ce genre. Parfois il s'agit d'hommes et de femmes en uniformes. Je sais qu'une fois Karen Sebung est venue avec d'autres abolitionnistes. Alors peut-être qu'il faudrait lui poser la question.

À diverses occasions, nous crions pour attirer leur attention pour savoir d'où ils viennent, mais ils nous ignorent. Ils sont toujours tenus à l'écart de nos sections. Et puis il y a les visites pour les nouveaux gardiens en formation.

Le Foodloaf : c'est fait avec de la farine de maïs et les restes des repas, tout cela est passé au mixeur et cuit comme un pain de 15 cm de long et de 5 cm d'épaisseur. Il y a souvent des grains de maïs, une sorte de viande (viande mystérieuse), des branches de brocolis ou des restes de hot dogs. Le petit-déjeuner est composé de céréales, de raisins et parfois de fruits. Un foodloaf est donné pour une durée de 7 jours. Pas plus de deux périodes de 7 jours avec une coupure de 24 heures entre chaque. Donc on peut en avoir pour 14 jours, une coupure le 8ème jour avec trois repas chauds.

Ils ne sont pas cuits tous les jours, mais en une seule fois et puis congelés et réchauffés en fonction des besoins. À ce moment-là, ils étaient vraiment mauvais. BD et moi y avons eu droit pendant 14 jours et j'ai perdu 4 kilos parce que c'était dégueulasse que nous n'arrivions pas à les manger.

22h12 - Je ne sais pas ce qu'ils ont fait à mes côtes mais ça me fait toujours mal quand je respire à fond ou quand je me redresse d'un seul coup. Il faut que j'essaye de voir le docteur lundi. Cela va sans doute nécessiter un vote du Congrès pour y arriverŠ J'ai montré mon orteil à mon avocate hier, il est toujours abîmé et cela fait 9 jours. Il me fait toujours mal mais pas autant que mes côtes.

Une fois de plus : toutes vos questions ou commentaires sont les bienvenus.

La restriction de conteneur : nous n'avons pas le droit de conserver de conteneur, pas de gobelets, pas de récipients, bouteilles ou bols. Cela signifie qu'aux repas, nous ne recevons aucune boisson, jus de fruits, café, lait ou céréales qui sont servis dans un bol. Une restriction de conteneur dure 30 jours et ce chaque fois que nous balançons quelque chose sur un gardien, de l'eau, de l'urine, des excréments ou de la nourriture. Pendant que nous sommes en restriction de conteneur, nous ne pouvons boire que l'eau du robinet.

Le 1er avril

8h30 - Poisson d'avril ! ! Je me demande quel genre de farce va nous tomber dessus aujourd'hui. Rick, Chi Town et moi sommes censés passer en semaine 3 aujourd'hui. Cela fait maintenant 52 jours que nous sommes en lockdown.

J'ai appris plusieurs choses hier soir qui m'ont mis hors de moi. Chaque fois que quelqu'un avait une date d'exécution, 30 jours avant sa date, toutes ses punitions ou restrictions étaient levées. Il pouvait avoir des visites hebdomadaires, dépenser ses dollars en achats, écouter la radio, etc.

J'ai appris hier soir que ce n'est plus le cas, pas de compassion, aucune sympathie et aucun écart pour une personne qui va mourir. Gerald Tigner est resté au niveau III jusqu'au jour de sa mort. Il n'a pu voir son fils et son père que les deux derniers jours avant sa mort.

Maintenant Brian Davis se retrouve confronter à la même chose. Il est au niveau II ce qui veut dire que d'ici au 7 mai, il n'a droit qu'à 4 visites et seulement deux personnes à chaque visite. Il aurait pu en avoir 7. Il a deux fils et une famille assez grande ainsi que des amis qui aimeraient lui rendre visite avant qu'il ne soit assassiné. Mais à cause d'un Major vindicatif qui gère la classification disciplinaire comme une espèce d'Hitler sadique, Brian ne reverra que très peu de ces gens.

Cette date d'exécution est sérieuse parce que l'un de ses avocats a raté une date limite avec le tribunal ce qui lui interdit l'accès à la cour d'appel du 5ème circuit. Il est quasiment certain que mon frère va mourir le 7 mai et ces enfoirés sadiques vont limiter le temps qu'il peut passer avec sa famille. Et les gens se demandent encore pourquoi nous semons la zizanie ! Et bien je me demande pourquoi il n'y a pas plus de gens pour semer la zizanie parce qu'un jour, ce sera peut-être eux qui seront concernés et vous ne pourrez même pas les voir avant qu'ils soient assassinés.

Brian a 36 jours à vivre.

4h18 - Depuis que je suis dans le couloir, je viens de rencontrer la personne la plus haineuse que je n'ai jamais rencontrée. Je ne l'ai vu s'adresser rationnellement qu'à quelques-uns d'entre nous, sinon il insulte tout le monde. Le mot qui le décrirait serait un misanthrope, un individu qui déteste l'humanité et ne fait confiance à personne. Je ne vais pas donner son nom parce que cela risquerait de lui faire du mal mais ce qui me fait en parler, ce sont ses tirades du matin.

LANGAGE CLASSE R

3h42, le 1er avril 2002.

J'ai été réveillé par des hurlements et des cris : " Espèce de raciste, enfoiré de noir homosexuel, sale militant de merde. Je vais te trancher la gorge. Toi, espèce de pourriture mexicaine, diable à la peau blanche, prend ça et colle-le dans ton cul puant, je vais te faire sauter la tête. Je te descendrais espèce de trou du cul de raciste noir. Vous tous à la peau noire, la peau marron et homosexuels, le système sait vous reconnaître. Je ne veux pas que vous m'adressiez la parole, espèce de nègres ".

Et ça continue comme ça, la tirade recommence. Cela n'a aucune importance si vous ne lui avez jamais adressé la parole, que vous soyez un ancien ou un nouveau ici. Il va vous insulter. Blanc, noir, mexicain, cela n'a aucune importance. Cela s'est aggravé au cours des années, mais il a toujours été comme ça. Je le vois se détériorer surtout depuis que nous sommes arrivés ici à Polunsky. Il ne va jamais en récréation et rarement à la douche. Je l'ai déjà vu refuser de se rendre au parloir. Il souffre vraiment d'une maladie. Je n'ai pas la moindre idée de quoi il peut s'agir.

Le 2 avril

10h37 - C'est de la folie ou quoi ? Hier, aux alentours de 2h/2h30, T fait appeler le sergent et demande à être placé en restriction de nourriture pour avoir un foodloaf. Le sergent le regarde bizarrement et lui demande pourquoi. T lui répond : " Parce que j'ai faim ", alors le sergent Thompson dit qu'il va en parler au Lieutenant. Il part et ne revient pas. Quand le dîner est servi, T demande au sergent Flotea de vérifier avec le Sergent Thompson pour voir ce qu'il se passe. Finalement, il refuse de rendre son plateau et se retrouve en restriction de nourriture.

On dirait que la quantité de nourriture a baissé ces derniers temps. Depuis que je suis en lockdown, je n'ai eu que les Johnny sacks et je n'ai pas trop suivi ce qu'il s'est passé avec les plateaux mais maintenant je me suis renseigné et les portions sont plus petites. Soulja parle aussi de repasser en restriction de nourriture. Le goût n'est pas terrible mais au moins, on a la sensation d'être repu. Je ne devrais pas dire ça non plus. Ils vont probablement réduire la taille des portions du foodloaf. C'est quand même dommage qu'un homme choisisse une punition pour se sentir rassasié.

Rick, Chi Town et moi sommes passés en semaine 3 hier. Alors nous avons eu un plateau-repas pour le dîner. C'était froid et mauvais. Une sorte de mélange de porc et de poulet, des pois noirs, des pommes de terre douces, des haricots verts et un pain de hot dog qui était pourri. On leur dit qu'on n'en veut pas et qu'ils nous donnent nos Johnny sacks à la place. C'est lamentable, non ?

18h30 - Une fois de plus, je vais dire un truc que je ne devrais pas dire. Je m'en fous que certains pensent que mes rapports sur les conditions sont exagérés parce que je dis la vérité et c'est le choix de chacun de me croire ou non. À nouveau, j'ai des échos comme quoi nous nous " amusons ". Celui qui dit ça ne peut être qu'un crétin. Il n'y a rien de rigolo à se faire tabasser par 5 types en armes. Chaque mouvement de protestation ou de révolution doit commencer quelque part. Il y en aura toujours certains pour choisir le côté de l'administration ou du gouvernement. Mais ça me laisse bouche bée de savoir que quelques-uns essayent de miner un mouvement qui, à termes, devrait améliorer les conditions de vie pour tous.

Disons, hypothétiquement, que nous nous amusons. Et alors ! Quelle différence cela fera-t-il  au résultat ?

Nous sommes des semeurs de merde. Il n'y a aucun doute là-dessus. Mais il faut bien un semeur de merde pour ouvrir la brèche. Vous ne pouvez pas être sages et protester au point où nous en sommes. C'est impossible. Cela ne servirait à rien de le nier. C'est bien dommage que nous devions nous comporter comme tels. Nous ne devrions pas avoir à en arriver à de tels extrêmes.

Le 3 avril

Youpi ! ! Nous ne sommes plus en lockdown. Pour le déjeuner, nous avons eu 2 morceaux de poulet, ce qui est assez rare, des haricots, des pommes de terre et du pain.

Au cas où vous ne le sauriez pas, il y a un groupe de fonctionnaires d'Huntsville qui font le tour du propriétaire et qui enquêtent sur les meurtres qui ont eu lieu dans la population générale.

J'ai également parlé à un gardien qui était dans la même équipe que Beard quand il a utilisé ma tête comme punching ball et il a dit que sur la cassette il y avait bien la preuve de l'utilisation excessive de la force et que l'enquête est en cours, ce que je ne comprends pas vraiment. Si vous avez quelque chose comme ça enregistrée sur une cassette, qu'y a-t-il à enquêter ? Tout est là dans la cassette pour punir les responsables. Fin de l'histoire. Vraiment, ça m'épate toujours lorsque j'entends ce genre de remarque.  Mais bon, ç'est le Texas.

J'ai déposé une plainte interne pour les prisonniers du niveau III qui n'ont pas accès aux produits d'hygiène ; savon, dentifrice, shampoing et déodorant. Ils me l'ont retournée en disant que j'avais déjà déposé une plainte pour la semaine. Je n'ai rien déposé d'autre, c'est encore pour me faire tourner en bourrique.

Voilà, les amis. Je vais envoyer ce journal.

Restez forts, grands et soyez fiers.

Dans la lutte et la solidarité,

Paul Colella
#999045 - Polunsky Unit
3872 FM 350 South
Livingston
TX 77351-9630
USA

paul@deathrow.at

PS. Ils n'ont jamais rien fait concernent leur menace de rapport disciplinaire pour Chi Town. En fait, c'était de la connerie.

À l'attention de Monsieur Gary Johnson et les membres de la commission

Mon nom est Paul Colella. Je suis dans le couloir de la mort depuis bientôt dix ans. Pendant les premières sept années, j'étais incarcéré à la prison d'Ellis One où j'étais quasiment au programme de travail pendant toute cette période. J'avais de nombreuses choses pour occuper mon esprit et mes mains. Je pouvais aller à la messe et sortir en récréation avec les autres ou rester assis dans ma cellule pour faire de l'artisanat ou pour regarder la télévision.

Comme vous le savez certainement, la population du couloir de la mort a toujours été plus facile à gérer que la population générale. Le couloir a le nombre le plus bas d'agressions sur un membre du personnel ou sur les autres détenus, le pourcentage le moins important de rapports disciplinaires que toute autre population carcérale du TDC.

Le comportement habituel des condamnés à mort est passif parce nous avons bien d'autres choses à gérer d'un point de vue affectif et juridique. La majorité des condamnés à mort ont, par le passé, mis de côté leurs dissensions raciales ou leur rivalité de gangs, et même découragé les prédateurs qui sont monnaie courante dans la population générale et qui tirent avantage d'autres prisonniers.

Ceux qui ont eu l'opportunité de travailler à l'usine avec le programme de travail avaient accès à toute une gamme d'outils, des lames de 30 cm, des couteaux, des tournevis et d'autres outils nécessaires pour accomplir leurs tâches.

Pendant cette période de travail à l'usine, il n'y a pas eu un seul incident lié à l'utilisation d'une arme et il n'y a eu que deux bagarres ; aucune d'entre elles ne concernait un membre du personnel. Nous avions des échanges quotidiens avec les gardiens.

Il n'y a jamais eu d'incident pendant les cérémonies religieuses, même si quelques bagarres ont eu lieu pendant les récréations, il n'y en a pas eu autant que l'on pourrait l'imaginer.

Les travaux manuels étaient une partie importante de ma vie parce que je pouvais créer, utiliser mes mains d'une façon constructive. Je passais jusqu'à 10 heures par jour pour fabriquer des objets. La télévision, la récréation et le travail occupaient le reste de mon temps.

Depuis le déménagement à Polunsky, j'ai été privé de tout cela. Je me retrouve logé dans un bâtiment conçu spécialement pour une incarcération punitive. Ceux qui étaient incarcérés ici avant nous, l'étaient à des fins disciplinaires.

Personnellement, je suis au bout du rouleau. Même si je peux encore penser et communiquer intelligemment, je sens que je coule. J'ai cumulé plus de problèmes ces deux dernières années que pendant mes 15 années d'incarcération cumulées, simplement parce qu'il n'y a rien d'autre à faire.

Je n'ai rien à faire. Mes mains et mon esprit sont inoccupés. Je n'ai aucune interactivité spirituelle. Les cérémonies religieuses consistent en un volontaire qui vient à la porte de ma cellule pour une petite prière. Ma soif de compréhension des écritures reste inassouvie.

L'artisanat est inexistant. Les crayons et les couleurs vendus à la cantine sont les mêmes que ceux du jardin d'enfants. Il n'y a aucune raison pour justifier que je ne puisse commander à l'extérieur des crayons de bonne qualité, du papier à dessin, des pastels et les autres matériaux auxquels nous avions droit auparavant. Si quelqu'un abuse de ses privilèges, vous pouvez les suspendre individuellement, mais donnez nous au moins une chance et je suis certain que vous ne constaterez pas autant d'abus que vous l'imaginez.

Les différentes sortes de travaux manuels ne représentent pas de menace à l'ordre et à la sécurité. Depuis que je suis ici, j'ai vu des millions de dollars dépensés pour améliorer la sécurité comme la nouvelle clôture, les grilles sur les lampes, les barres en acier ou les cadenas sur les tuyaux et les systèmes d'alarme. Alors l'éventualité que les travaux manuels soient utilisés pour une évasion est non existante. Il est évident que l'historique du couloir de la mort prouve que ces travaux manuels ne représentent pas de menace pour les employés. Ces activités donneraient aux détenus quelque chose à faire plutôt que de devenir des nuisances.

90 % de la population générale a la télévision, tous excepté ceux qui sont punis et même certains éléments perturbateurs qui sont suivis de près ont la télévision. Il est dit que le couloir de la mort n'est pas incarcéré en ségrégation punitive. Alors nous devrions nous aussi avoir la télévision.

Monsieur Johnson, Messieurs les membres de la commission, nous devenons fous. Je pense que vous le savez. Le couloir de la mort n'est pas une menace. Il est en train de le devenir. Les statistiques le prouvent.

Donnez-nous quelque chose à faire. Quelque chose pour occuper nos esprits et nos mains. Même si le programme de travail ne peut pas être mis en place dès maintenant, les travaux manuels, la télévision et les cérémonies religieuses pourraient être à nouveau instaurés. Il n'y a aucune raison valable de ne pas le faire. S'il vous plaît, votre coopération serait grandement appréciée.

Respectueusement,

Paul Colella

Traduction par S. Ageorges
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