EN DIRECT DU COULOIR DE LA MORT DU TEXAS
Par Paul Colella
Semaine du 14 mars 2002
 
Le 14 mars,

15h54 - Depuis quelques jours tout semble calme. Tout le monde décompresse, mais voilà qu'ils s'en prennent de nouveau à Rick. Il a eu des fouilles de cellule tous les jours de la semaine. Aujourd'hui il a refusé, il est fatigué de ces agissements alors il a décidé de leur tenir tête.

Aujourd'hui j'ai reçu des fournitures de papeterie, y compris cent chemises Manila. J'avais demandé au service du courrier avant si j'avais le droit d'en recevoir. Madame Penny Long avait dit oui mais pas pour les dossiers en accordéon pour les archives. Donc, j'ai demandé à ma mère de m'en commander et maintenant ils me disent que ce n'est pas réglementaire.

16h10 - Le Capitaine Bacon vient de parler avec Rick. Il ne cherchait même pas à l'écouter. Il dit qu'il a une liste et qu'il doit s'y conformer, point barre. J'imagine que du coup ils vont préparer une équipe d'intervention.

17h46 - Le Sergent Dickerson vient de débarquer avec deux gardiens harnachés. Les gardiens Brock et Horton gazent Rick pendant 10 secondes. La gardienne Calvin tient la caméra.

17h56 - Un autre jet de gaz pendant 7 secondes. Et voilà le reste de l'équipe. Les gardiens Davidson, Kyle et Pierce, pas " le " Pierce, celui-là est un nouveau. Ils viennent de partir. J'attends que Rick communique avec l'un d'entre nous pour nous dire ce qu'il s'est passé. Les détails viendront plus tard. D'abord à propos du gaz, un total de 17 secondes alors que le total ne devrait pas excéder 9 secondes maximum. J'ai vu qu'il a bien été sorti de sa cellule, il était très rouge avec une coupure à l'arrière de la tête. Ils ont du attendre l'infirmière. L'infirmière King, qui de toutes façons n'aurait rien fait pour lui, mais il a quand même fallu l'attendre. Rick a refusé la décontamination. D'après ce que nous savons, ils n'ont pas le droit de nous mettre sous nos lits comme ils l'avaient fait avec Soulja et T. Alors au lieu de retirer les menottes à travers la trappe, ils ont utilisé un drap pour attacher ses jambes avant de lui enlever les menottes. Ils se sont reculés pour sortir de la cellule. Rick a dit qu'ils ne lui ont pas donné de coups de poing. Ils ne l'ont pas amoché. Il semblerait que finalement ces extractions se font en bonne et due forme, avec le moins de violence possible. Nous pensons que c'est à cause de l'attention qui est sur eux à Polunsky en ce moment. Nous verrons.

Le 16 mars,

Hier a été une journée calme. J'ai eu la visite de ma mère qui m'a parlé de la manifestation des deux dernières semaines. Elle a dit qu'il y avait plus de gens cette fois-ci. Alors je m'excuse parce que je ne pouvais pas tous les voir. Nous avons un champ de vision limité au-delà de l'allée. Merci à vous tous.

On dirait que je suis de nouveau au jour 1 de la semaine 1. J'ai eu droit à la récréation aujourd'hui car j'étais en semaine 3 qui autorise une récréation restreinte. Je suis allé dehors avec T. (nous n'avons pas droit à la récréation à l'intérieur). Nous avons discuté du " basketteur autour du monde " (c'est un jeu de basket qui peut se jouer en inviduel). Je lui ais dit que je resterais dehors pour protester à cause des Johnny sacks et le fait qu'ils nous nourrissent de sandwichs au beurre de cacahuètes TOUS les jours avec des raisins ou des pruneaux. On passe notre vie sur les toilettes à cause de ce régime. Aussi parce que rien ne change, aucune amélioration. Donc ils viennent me chercher et je refuse. Alors ils font rentrer T. et voilà le Lieutenant Price. La plupart des gradés et des gardiens savent et comprennent ce que nous faisons, pourtant ils ne comprennent pas nos actions et pourquoi nous nous faisons gazer ou extraire de nos cellules. A nouveau, j'explique notre raisonnement. Nous ne sommes pas violents, nous ne sommes pas en train d'essayer de poignarder les gardiens ou de blesser qui que ce soit (de temps en temps il y a un peu de violence qui échappe quand même). Nous essayons simplement d'attirer l'attention sur notre situation pour faire changer les choses. Alors je discute avec Price pendant quelques minutes. Et voilà le Sgt Griffin, il veut faire croire que je mets en danger les visites avec ma famille ou quelque chose du genre. Comme tout le monde le sait, ma famille soutient cette cause à 100% et comprend complètement les sacrifices qui doivent être faits. Il s'en va et je boutonne ma combinaison, je mets mon bandeau et je mouille ma serviette. Je suis prêt, les voilà. Le grand Chavis est l'homme de tête. Ce type est immense, 1m90 et 100 kilos ? Les gardiens Michaels, Lapaglia, White et Rameriz avec Moye à la caméra. Le Sgt Poole supervise l'équipe. Le sergent dit "Détenu Colella soumettez-vous à la fouille à corps et présentez vos mains pour les menottes ou bien nous utiliserons des produits chimiques ". Deux ordres comme ça. Après le second, je m'attendais au gaz mais c'est la porte qui s'est ouverte et voilà la locomotive qui charge. De voir le grand Chavis m'arriver dessus n'était pas important, mais il m'a foncé dessus à pleine puissance avec le bouclier, j'ai juste eu le temps de me recroqueviller sur le sol pour ne pas me faire écrabouiller. Pas un manque de conduite professionnelle. Ils m'ont menotté, passé les chaînes aux chevilles et je leur ai dit que je ne marcherais pas donc ils m'ont porté jusqu'à ma cellule, m'ont allongé sur le sol et commencé à retirer les attaches. Je leur ai dit que j'allais me retourner contre eux s'ils me détachaient comme ça. Ils ont enlevé les chaînes et les menottes et ont commencé à se reculer. Je me suis avancé, ils m'ont collé au sol. J'ai dit au Sgt Poole que tout ce qu'il avait à faire c'était de me retirer les menottes par la trappe. Alors il leur a demandés me relever pour que l'infirmière puisse m'inspecter. Ensuite, il a retiré les menottes par la trappe. Fin de l'utilisation de la force. C'est comme ça que la force doit être utilisée. Ils connaissent notre raisonnement et ils savent maintenant que nous ne cherchons pas à blesser qui que ce soit.  Il n'y a vraiment aucune raison d'utiliser le gaz, les coups de poing ou les coups de pieds. Mais si nous sommes confrontés à une équipe violente, nous nous défendons. Je suis certain que les semaines à venir nous en diront plus long, nous verrons. La  bataille continue.

Hier ils ont essayé de dire à ma mère qu'elle ne pouvait pas me voir avant le lundi suivant. Voilà mot pour mot le règlement pour la semaine 3 d'un lockdown : les visites reprennent. Cela ne dit pas tel jour ou tel autre jour mais " semaine 3 ". Ce n'était destiné qu'à lui faire penser qu'ils lui PERMETTRAIENT de me rendre visite mais qu'ils n'étaient pas obligés de le faire pour qu'elle vienne me voir et me le dise. Jeux de cons. C'est ce genre de trucs qui met cet endroit sans dessus dessous.

Le 17 mars,

17h30 - Chi Town a une cuillère, il refuse de la rendre. Ils se sont trompés et lui ont donné un plateau, il a rendu le plateau, mais il a gardé la cuillère. C'est toujours à cause des Johnny sacks. On continue de manger les mêmes sandwiches avec les pruneaux et les raisins. Essayez donc les pruneaux et les raisins 3 fois par jour, des sandwichs à la sauce de viande et au beurre de cacahuètes TOUS LES JOURS. On peut le dire : ça pue ! !

L'équipe d'intervention est là. Le Sgt Griggs est l'homme de tête suivi par les gardiens Florney, Lamb, Rains et Wilson. Le Lieutenant Bolton supervise et le Sergent Thompson dirige l'équipe, le gardien Clark ( ? ?) à la caméra. Deux ordres, deux jets de gaz (12 secondes au total). Ils viennent de lui tomber dessus. Le Sergent Griggs descend les escaliers, les articulations de sa main droite sont en sang. J'aurais plus d'info tout à l'heure. Je n'ai pas encore tous les détails, mais lorsque vous êtes gazé, vous êtes sensés récupérer du linge propre. Ils ont utilisé un de ses draps propres pour le maintenir allongé par terre et l'autre pour lui attacher les jambes, contaminant ainsi les deux draps. Le sol de sa cellule est orange, recouvert des vapeurs du gaz et maintenant il y en a aussi sur ses draps. Ils n'ont pas décontaminé sa cellule correctement, il a refusé la douche. Comme je vous l'ai déjà dit, la douche immédiatement après ne fait qu'intensifier les brûlures. On dirait que le Gardien Flornoy aime tordre les bras. Il a disloqué l'épaule de Rick et ce soir il a essayé la même chose sur Chi Town. Nous voilà arrivés au sale boulot. Pas de coups de poing, un des gardiens passe sa main dans le gaz sur le sol et la frotte sur le visage et sur les yeux de Chi Town. Il a dit que le gaz était très fort et que lorsqu'ils l'ont allongé par terre, il n'arrivait plus à respirer. Il leur a dit qu'il ne pouvait plus respirer et le Lieutenant Bolton leur a demandé de le sortir de la cellule. Avant qu'ils entrent, le Lt Bolton et le Sgt Griggs tapaient contre la porte pour essayer de l'intimider, mais ça n'a rien changé. Le Sergent Thompson a dit à Chi Town de laver lui-même ses draps, quel enfoiré.

Chi Town dit qu'il a des cloques blanches sur les mains là où il y a eu du gaz. Ca le brûle très fort. Ils ont aussi balancé du gaz dans la trappe et ils ne l'ont pas décontaminée.

20h00 - J'ai aussi une cuillère et je l'ai dit au gardien. Il dit qu'il va en rendre compte à un gradé. Je suis prêt. C'est toujours à cause de la bouffe. Je suis allé 6 fois aux chiottes aujourd'hui. C'est scandaleux.

20h53 - Le Sergent Griggs est venu faire le rapport disciplinaire de Chi Town. Je l'arrête en chemin et lui montre ma cuillère. Il dit qu'il s'en occupera demain. Bon, très bien, j'ai essayé. Je me plaindrais demain matin. Il faut qu'on change de régime alimentaire. Ce n'est sûrement pas 800 calories, 2 sandwiches au beurre de cacahuètes et 8 pruneaux pour le dîner ce soir. 800 calories ? ? Ca m'étonnerait ! On va essayer d'attirer l'attention sur ce sujet.

Le 18 mars,

4h30 - Ils m'ont encore planté là. J'ai refusé de rendre ma brique de lait, mon bol de céréales et la cuillère mais ils ne veulent pas venir les chercher. Je n'ai même pas pu faire déplacer un Lieutenant pour entendre ce que j'ai à dire. Bon, aujourd'hui c'est le jour de la douche. Je serais entendu. Ils ne peuvent pas ignorer mes doléances.

J'ai entendu plusieurs personnes demander pourquoi nous faisons ci ou ça, pourquoi nous sommes aussi extrémistes et j'ai entendu un vieux gardien répondre " parce que c'est la seule manière de se faire entendre ". Il a tout résumé en une seule phrase. C'est dommage. Vraiment c'est dommage qu'il ait raison. Nous ne devrions pas avoir à en arriver à ces extrêmes chaque fois que nous avons un problème. Mais penchons-nous un moment sur le problème.

Rick, DW, Chi Town, Soulja, T et moi-même avons parlé aux gradés à propos de ces repas. Certains d'entre eux ont pris le temps d'aller en cuisine pour corriger l'affaire, mais juste pour un repas. Le repas suivant arrive et rebelotte, sandwich à la sauce de viande, au beurre de cacahuète, les raisins et les pruneaux. Nous n'avons pas eu un vrai petit-déjeuner depuis le 8 février. Pas d'¦ufs, pas de galettes, pas de saucisses, pas de pain. Ce que nous avons d'habitude en période de lockdown général. Alors pourquoi c'est différent maintenant, alors qu'il s'agit d'un lockdown normal ? Les repas sont tous différents, alors pourquoi maintenant ? Je vais vous dire pourquoi. Ils tentent d'utiliser la nourriture pour nous mater. Merde, merde, merde, 4 à 6 fois par jour. J'en ai les fesses irritées à force d'aller aux toilettes. Les raisins et les pruneaux c'est l'enfer pour le système digestif de d'un homme. Le beurre de cacahuète et la sauce de viande nous mettent l'estomac en vrac. Au diable tout ça, j'en ai ras le bol de ça et les autres aussi. Quelque chose va céder. Le pire est que c'est encore une revendication de plus. Aucune des autres revendications n'a été résolue pour le moment. Cela montre bien qu'ils n'en ont rien à faire de rendre les choses plus simples. Bon, du coup, la lutte continue !

23h50 - L'heure de la douche à 7h35. J'y suis allé et je me suis douché. Quand ils m'ont ramené à ma cellule, j'ai récupéré les menottes. Ils y avaient attaché la laisse de chien, mais j'ai utilisé la bordure coupante de la trappe pour la couper. Je vais me faire facturer les menottes et la laisse cette fois-ci. Ce sera payé avec le reste de l'argent reçu grâce à votre générosité, alors je me suis dit autant l'utiliser pour la lutte. HUMOUR ! ! Écoutez plutôt ceci, le Lt Price vient me parler. Je lui parle de la nourriture, il s'en va. J'ai une main menottée, l'autre est libre. Je continue à parler avec le gardien de service de notre section à propos des revendications. Tous les gardiens sont d'accord. Tout irait beaucoup mieux si nos revendications étaient résolues. Voilà l'équipe, le grand Chavis, le grand Brown (celui qui a démoli le visage de Rick), les gardiens Smith, Lapaglia et Beard, la gardienne Smith à la caméra, le Sgt Ludwig dirige l'équipe. Et qui j'aperçois tout au fond en train d'espionner ? Je vous le donne en mille, LE DIRECTEUR ZELLER, CHANCE ET LE LT ROACH.

Il faut que vous compreniez que cette équipe-là est énorme. Chavis, Brown, Smith, Beard, Lapaglia = 720 kilos. C'est une équipe de poids. Alors je vois les directeurs et Roach en arrière plan. Je ne suis pas idiot. J'accroche la menotte à ma porte. Et voilà Chance et Zeller, j'essaye de parler à Zeller, il me regarde, tourne les talons et s'en va. Si un regard pouvait tuer, je serais mort pour de vrai. Il y avait tellement de mépris dans ses yeux. Maintenant, il faut qu'ils appellent l'entretien. J'écoute Chance parler à Roach et Zeller et leur dire qu'il faut doubler le cuir des lanières. La maintenance arrive 10 minutes plus tard. Chance veut qu'ils utilisent le chalumeau pour me détacher de la porte. Je dis " Non, ça ne marchera pas parce que la dernière fois ils m'ont brûlé et je mettrais mon autre main par dessus pour vous en empêcher ". Il répond " et bien tu te feras brûler ". Bref, on se renvoie la balle et finalement je hurle au soudeur (un prisonnier) que s'il s'approche de ma porte, je vais lui balancer des excréments. Ils bloquent les ouvertures avec un bouclier et voilà le soudeur. Je le regarde et je lui demande s'il va vraiment participer à ça. Il regarde la porte et leur dit qu'il ne peut pas retirer les menottes de cette façon. Je remercie le mec en silence parce que je ne voulais vraiment pas être brûlé. Alors ils démontent l'écran de protection et découpe les menottes avec la scie à écrou. Ils pensent que je vais me rebeller mais comme je l'ai déjà dit, je ne suis pas idiot. Chance dit " Sortez le de là et fouillez sa cellule ". Il dit que j'ai de la contrebande dans ma cellule, donc je me déshabille et je sors de ma cellule. Ils passent tout en revue, même Chance a participé à la fouille.

Voilà ce qu'ils ont confisqué : ma brosse à dent, le dentifrice, le déodorant, le savon, un taille-crayon, 2 sacs, ma ligne de pêche, mon gobelet, mon oreiller, 2 paquets de café et ma montre. Le café, le dentifrice et le déodorant sont les seules choses qui peuvent être considérées comme de la contrebande. La plupart du temps, ils ne prêtent pas attention au dentifrice ni au déodorant.

Donc, ils fouillent ma cellule et j'entends quelqu'un dire qu'il faut bloquer ma prise électrique. On me colle dans les douches. Environ une heure plus tard, je retourne dans ma cellule, c'est le bordel total. Toutes mes photos et mes enveloppes, que j'avais rangées dans des sacs en papier, sont en vrac sur mon étagère. Ils ont balancé les sacs. Il y a des copeaux d'acier et du métal à souder partout. Finalement, vers 13h j'ai à peu près tout rangé sauf mes papiers juridiques.

J'ai des tonnes de documents juridiques, une pile d'à peu près 80 cm de haut. Que des papiers en vrac qui sont mélangés. Ça va me prendre des jours pour les classer. On ne nous donne aucun moyen d'organiser le rangement.

Je n'en reviens toujours pas du regard de Zeller. A un moment, j'ai dit un truc à propos de la vengeance de Chance. Il s'était approché tout près et m'avait dit que justice lui serait rendu le jour où on m'exécuterait. Je lui avais dit que j'allais faire un rapport. Il a dit qu'il témoignerait lui-même alors j'ai proposé de lui envoyer quelqu'un pour l'interroger et le prendre aux mots. Il a dit " Oh non, je ne vais pas faire ça ". Je lui dit de fermer son clapet et de s'en aller le plus loin possible de ma cellule parce qu'il ne m'impressionne pas avec sa fausse frime. Il a peut-être de l'effet sur les uniformes gris mais pas sur moi. Il a tourné le dos et il est parti. Il allait les forcer à me brûler avec ce chalumeau. Le responsable de la maintenance n'avait qu'une envie, celle de se barrer en courrant. Il ne voulait pas le faire, mais je crois qu'il a besoin de son job, alors il a commencé par me donner des conseils pour que je ne me fasse pas brûler et je lui ai dit qu'il était idiot. J'aurais été brûlé de toutes façons puisqu'il allait chauffer le métal qui était attaché à mon bras. Comment est-ce que j'aurais pu éviter d'être brûlé ? Les crétins. Heureusement que le prisonnier soudeur m'a sauvé la mise et je ne l'ai pas menacé. Il a bien compris la situation.

15h34 - Je me suis allongé pour dormir un peu et j'ai été réveillé " Colella, tu es sur la liste des fouilles ". Allez vous faire voir ! ! J'ai été fouillé déjà deux fois. Je ne sortirais pas. On verra bien ce qu'il va se passer.

15h46 - Un gardien vient me voir et me dit qu'ils ne vont pas me harceler parce que le premier service s'en est déjà chargé. Je suis soulagé parce que je suis fatigué. Soulja est aussi sur la  liste. Ils ne lui ont rien dit pour le moment, on verra ce qu'il va se passer plus tard.

20h41 - C'est tout pour aujourd'hui. Ils nous laissent tranquilles. J'ai pu parler avec un des gardiens de l'équipe de ce matin. Il a dit que le directeur n'avait donné aucune instruction précise autre que " faites ce que vous avez à faire ". Je pense qu'il a dit la vérité mais ce n'est pas quelqu'un du genre à me faire mal. Je ne pense pas que Zeller et Chance se soient déplacés juste comme ça. Je ne fais que spéculer et je ne veux pas accuser qui que ce soit à tort. Mais bon, c'est curieux. Ils se sont montrés avec une équipe de costauds et puis ce regard de Zeller. Il n'a même pas fait mine de m'écouter. C'est bien là tout le problème. Ils ne veulent pas communiquer avec nous ou avec quelqu'un qui nous représenterait. Zeller est réputé pour passer d'une prison à une autre et d'y semer la merde. Les gardiens le détestent car il est, selon eux, " un enfoiré ". Apparemment, il se sent en sécurité dans ce qu'il fait pour pouvoir continuer à le faire. Ca, c'est le truc qui m'interpelle vraiment. Si un directeur débloque, c'est rare qu'il perde son boulot. C'est la même chose pour les gradés. L'administration à Huntsville les déplace d'un endroit à un autre. C'est pour cela qu'ils peuvent faire ce qu'ils font. Ils savent qu'ils peuvent s'en tirer et c'est triste. Et il n'y a rien que nous puissions faire parce que nous ne sommes pas organisés. Nous pouvons faire la différence sur des choses comme ça si nous sommes unis et mettons en place un minimum d'organisation. Voilà pour ce soir. Voyons de quoi demain sera fait.

Le 19 mars,

Rien de spécial aujourd'hui alors je vais terminer ici pour cette semaine.

FINALEMENT NON !

Le 20 mars,

Ca a été une rude journée pour moi aujourd'hui. Mon ¦il est noir et bleu, mes poignets sont endoloris et les coupures des menottes, les doigts de ma main droite donnent l'impression d'être cassés et mon gros orteil est abîmé d'avoir été retourné jusqu'à ce que je l'ai entendu craquer et j'ai CRIÉ de douleur. Laissez-moi commencer du début. Aux environs de 7h/7h30, ils sont venus chercher Chi Town pour la douche. Ils avaient la nouvelle double lanière et la caméra vidéo. Une fois qu'il était sous la douche, ils sont allés dans sa cellule et ont commencé à fouiller. Après 25 minutes, Chi Town commence à crier pour qu'ils viennent le chercher ou qu'ils préparent une équipe. Ils ont continué à bidouiller et Chi Town a dit " allez au diable, je ne sortirais pas ". Alors le Sgt Ludwig s'en va et voilà le Warden Massey, le Capitaine Bacon, le Major Lester et le Lieutenant Price.

Warden Massey parle avec Chi pendant quelques minutes. Le Capitaine Bacon et le Major Lester s'en vont. J'arrête le Major Lester à son passage et lui parle de la nourriture, précisément ces fichus pruneaux, raisins et les sandwiches. Comme d'habitude, il me dit qu'il va se renseigner. On entend toujours les mêmes conneries. Ensuite Warden Massey descend les escaliers. Rick l'arrête en chemin et lui parle. Il lui répond deux ou trois trucs puis s'en va. Je l'arrête à mon tour et lui demande pourquoi nous devons en venir à ces extrêmes pour régler des petits problèmes. Il répond : " On y travaille mais ce que nous voulons ce que vous soyez au niveau I ". Alors je lui parle des abus de classification auxquels il contribue. Je lui dis que je suis au niveau III sans raison valable. Il dit " bon, je vais voir ça " et je lui réponds que c'est un peu tard maintenant. Je lui demande pourquoi personne ne communique avec nous ou avec vous dehors. Il dit qu'il va nous convoquer individuellement cette semaine ou lundi et mardi de la semaine suivante. Bon, il s'en va alors qu'une équipe arrive. Les gardiens Smith, Michaels, Beard, Blancet et Burks, Jordan à la caméra. Le Sgt Ludwig supervise. Ils vont à la douche et Ludwig ordonne à Chi de se soumettre pour les menottes. Il dit " ok, tournes toi et laisses toi menotter ". Ils le ramènent à sa cellule. Maintenant ils sont furax et ils viennent me demander si je veux me doucher. Oui bien sûr. Pendant que Chi Town était à la douche, j'avais rangé mes documents juridiques de manière à ce qu'ils puissent les inspecter sans tout mélanger et sans les détruire.

Je passe à la fouille à corps et je suis escorté à la douche par l'équipe. Je dis au Sgt Ludwig que tous mes documents sont disposés correctement et demande à ce qu'ils ne soient pas mis à sac. Alors je me douche, une longue douche, c'est fait, j'attends. Environ 20 minutes passent. Je les appelle pour qu'ils viennent me récupérer. Cela ne prend pas longtemps avec sept personnes pour faire les fouilles. Je les vois arriver, je me retourne, on me passe les menottes, je marche jusqu'à ma cellule et je vois tous mes documents juridiques et mes photos étalés par terre. Et là, je me dis " et merde ! Vous allez devoir utiliser la force pour me faire rentrer dans ma cellule ". C'était une erreur.

On m'a soulevé et précipité dans ma cellule, BALANCÉ contre mon lit, encore et encore, relevé PAR LES MENOTTES et laissé retomber face contre le sol. Pendant tout ce temps, les gardiens hurlent " arrête de résister, arrête de résister ". Je hurle que j'ai ces saloperies de menottes, comment est-ce que je peux être en train de résister. À ce moment-là, je sens qu'on m'attrape le gros orteil, qu'on le retourne, pas cassé mais cela aurait aussi bien pu l'être vu l'intensité de la douleur, je hurle. Puis j'entends " Oh, lâche moi la main ", le gardien Cleveland qui ne fait même pas partie de l'équipe se met à crier et je sens ma main droite être écrasée et retournée. Pendant tout ce temps, je répète que je ne peux rien faire, il y a 6 hommes sur moi. Je suis menotté et sans défense. Ils prennent un drap et l'entortillent autour de mes pieds, me retirent les menottes et se reculent. Maintenant je suis libre. Je sors mon pied du drap, saute et essaye d'attraper la jambe d'un gardien, je lève les yeux juste à temps pour voir le gardien Beard qui me fonce dessus pour me mettre un coup de poing dans la figure. Si je ne m'étais pas tourné pour éviter le coup, ils ne me seraient pas retombés dessus pour me remettre à terre et là je me prends un coup de genou dans les côtes et un coup de poing derrière la tête. Mon degré de résistance commence à diminuer, mais je suis fou furieux à cause des coups de poing de Beard. Je jure et je crie. Ils renouent le drap autour de mes pieds et se reculent à nouveau. Je ressors mon pied du drap, je fais un bond, digne d'un joueur de baseball, et je passe la porte. Ils me rattrapent et me rebalancent à l'intérieur. Le Sgt Ludwig leur dit de me coincer sous le lit (nous savons que cela n'est pas autorisé), alors maintenant j'ai un genou dans le dos qui me maintient au sol. Je suis épuisé mais de nouveau lorsqu'ils se reculent devant la cellule, j'essaye, mais mon corps ne répond plus. Je suis trop lent alors j'enrage, je grogne, je hurle, je jure et je gueule sur Beard. Il m'avait dit qu'il m'aurait un jour, il m'a eu. Je lui ai dit que je l'aurai un jour et je l'aurai.

Je suis coupe sous mon ¦il et ça enfle. Mon front est coupé en deux endroits. Mes doigts, mes poignets et mes orteils sont noirs et bleus, mon corps a mal. Voilà l'infirmière. Elle voit les coupures et le gonflement sous mon ¦il. Je lui parle de mes doigts, alors elle s'en va ainsi que l'équipe et les gradés. Environ 15 minutes plus tard, revient le Lt Price et il me demande si je veux marcher jusqu'à l'infirmerie. Oui, je suis à nouveau menotté, je me retourne, ils ouvrent la porte, on me passe les chaînes et je marche jusqu'à l'infirmerie du bâtiment 12, où on me nettoie. Ils ont pris 4 radios. Je retourne à ma cellule. Mes documents juridiques, mes photos et d'autres affaires sont complètement déchirés. Ca va me prendre des journées entières pour remettre tout ça en ordre.

Ensuite ils sont allés à la cellule de Rick. Même chose, mais ils ne lui mettent pas sa maison à sac. Ils sont restés là-bas un bon moment, mais pas de destruction ou même de vérification de ses documents juridiques. Il a encore des blessures de son dernier passage à tabac, sa cheville. Cela fait plus d'une semaine qu'il attend de passer une radio. Il retourne dans sa cellule et c'est tout.

Il fait humide et gris dehors, mais comme ici vos c¦urs sont aussi présents et j'ai été tellement heureux de vous voir tous dehors aujourd'hui. Quand j'y repense, j'en pleure parce que nous sommes vraiment fatigués. Cette merde est vraiment dure à encaisser, mais nous ne pouvons pas abandonner. Nous ne pouvons pas arrêter. Si nous le faisons, cela voudrait dire que notre sang, notre sueur et nos larmes n'auraient servi à rien. Nos corps sont peut-être brisés, mais nos c¦urs et nos esprits s'élèvent. Encore plus lorsque nous voyons votre soutien de nos propres yeux, là dehors sous la pluie. Vous tous renforcez notre engagement et nos espoirs. Merci. Je suis fatigué et il faut que je me repose.

22h21 - Mon corps a mal mais je vais bien. Il semble que les activités du jour ont ouvert des yeux. Au dîner, un sergent avec une caméra vidéo a du être présent au moment de la distribution des repas. Nos Johnny sacks contenaient deux sandwiches au poulet, un au beurre de cacahuète et des raisins, un bon repas, à part pour les raisins. Je dormis pendant deux heures et me suis réveillé un peu rafraîchi.

J'espère et je prie que la manifestation de la semaine prochaine réunira au moins 100 personnes, vu que c'est la dernière prévue, alors recrutezŠ On vous a vu marcher jusqu'à la maison de Zeller. Je suis sûr qu'il a du être ravi ! En tout cas nous, ça nous a ravi. Cet imperméable orange fluo était un vrai point de repère. Il vous en faut tous un. Restez forts mes amis. C'est votre force et votre solidarité qui nous nourrissent. Priez pour nous.

Dans la lutte et la solidarité,

Paul Colella
#999045 - Polunsky Unit
3872 FM 350 South
Livingston
TX 77351-9630
USA

paul@deathrow.at
 

Traduction par S. Ageorges
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