EN DIRECT DU COULOIR DE LA MORT DU TEXAS
Par Paul Colella
Semaine du 13 janvier 2002
Je perds la tête. Hier j'ai balancé de la merde sur le Lt. Roach et le sous-directeur Chance. C'était une occasion unique parce que les sous-directeurs ne se déplacent jamais quand il y a des problèmes, ce qui me dépasse complètement d'ailleurs.

Ceci est la première, de ce que j'espère, sera une chronique hebdomadaire, dans laquelle je pourrais donner aux lecteurs une perspective directe de la vie quotidienne dans le couloir. Je ne vais pas enrober quoi que ce soit, de quelque manière que ce soit. Je changerais simplement le nom des prisonniers qui ne souhaitent pas être cités mais à part ça, ce sera le reflet de la réalité. Je ne voudrais vexer personne, mais franchement les gens sont aveugles ou quoi à propos de notre vie quotidienne. La plupart d'entre nous sont très discrets sur le quotidien parce que n'est pas toujours agréable et nous ne voulons pas forcément que nos familles entendent parler de choses embarrassantes, parfois c'est même humiliant, mais c'est toujours vrai alors sans rien savoir, ils ne peuvent même pas commencer à comprendre les horreurs de la vie dans le couloir de la mort. Ce n'est pas un endroit agréable, et tout le monde n'est pas sympa non plus. 90% d'entre nous vont tenir bon avant une visite, il est assez facile d'écrire chez soi et d'omettre la réalité de notre existence. Alors la finalité de cette chronique est de dépeindre cette réalité aussi vraie que nature.

Je SUIS en train de perdre la tête. J'ai du la perdre pour pouvoir balancer de la merde sur quelqu'un et sur un sous-directeur qui plus est. Ceci a apporté des changements que la plupart d'entre nous n'ont pas vus. Ces changements ne sont que des gênes mineures dans notre quotidien, nous pouvons toujours obtenir ce que nous voulons de façon amicale ou non. Une fois que la hiérarchie s'est fait dûment " entartrer ", elle a décidé de faire installer des caissons en acier et plexiglass devant les trappes de certaines cellules du block F, section D, E et F, 6 cellules sur les 14 de chaque section ont maintenant des caissons. Ils ont pensé que cela éviterait ce genre de mésaventure ou autres divertissements permettant de bloquer la trappe, de lancer divers objets ou de bloquer les menottes pour les récupérer.

Au fait, le bloc F est pour les prisonniers des niveaux 2 et 3, les sections A, B et C sont pour le  niveau 2, D, E et F sont pour le niveau 3 (depuis les changements). La section F est pleine de mauvais garçons : 71 -Bobby Ray Hopkins, 72 - Brian Davis, 73 - Leon Dorsey, 74, Paul Colella, 75 - Jackie Wilson, 76 -  Rick Rhoades, 77 - Derrick Jackson, 78 - Allan Ripkowski, 79 - Derryl Wheatfall, 80 - Hank Skinner, 81 - Richard Cartwright, 82 - Eddie Johnson, 83 - Douglas Feldman, 84 - Kenny Parr.

Nous sommes supposés être des monstres. Pourquoi ? Parce que nous avons le désir d'améliorer les choses, non seulement pour nous mêmes, mais aussi pour l'ensemble du couloir et nous n'avons que faire des petites choses matérielles (et elles sont plus que petites) que l'administration voudrait utiliser à titre d'encouragement pour récompenser les bons comportements. En tant que prisonniers du niveau 3, il n'y a plus RIEN qu'ils puissent nous prendre à titre de punition, sauf notre nourriture et l'eau qu'ils limitent parfois pour essayer de nous affamer jusqu'à la soumission. Cela ne marche pas, pourquoi ? Parce qu'il y a un but derrière nos actions, nous n'abandonnerons pas juste parce nous continuerons à défendre ce en quoi nous croyons et nous lutterons pour l'amélioration de nos conditions de vie dans le couloir de la mort. Nos familles et nos amis ne comprennent pas pourquoi nous avons choisi de sacrifier le soi disant luxe du niveau 1 et ce que le plus grand nombre ne comprend pas pourrait se résumer à ma phrase préférée : " Parfois ce qui semble être un sacrifice n'en est pas un du tout. Il s'agit de ce qu'il se passe dans nos c¦urs, il s'agit de voir la vie pour ce qu'elle est, faire et être fidèle à ce que l'on croit, quels que soient la douleur et le tourment, parce que rompre cette fidélité serait une douleur encore plus grande. " C'est une citation d'un livre, je l'ai adaptée à ma manière. Elle dit tout sur ce que nous faisons et pourquoi nous le faisons. Avec cet article, je vais inclure une lettre au directeur, James Zeller, le 20 janvier. C'est lui le directeur général ici à la prison de Polunsky mais c'est très rare de le voir, encore plus de le convaincre de prendre personnellement en charge un problème particulier. Je lui ai écrit à propos de TOUS nos problèmes et de nos plaintes dont je vous parlerais dans les semaines à venir. Ma dernière missive est redescendue jusqu'à un Capitaine qui m'a juste dit sèchement être en possession de ma lettre. Donc, comme les autres, plutôt que de s'embarrasser d'un problème, il le refile à son voisin. A quoi ça sert d'avoir un directeur s'il ne se préoccupe pas des soucis quotidiens de sa prison ?

Pendant cette dernière semaine, du 12 au 19 janvier, je me cogne des fouilles de cellule toutes les 4 heures. J'ai bien dit TOUTES les 4 heures, y compris la nuit, alors le règlement qui dit qu'on avoir 8 heures de sommeil ininterrompuŠ Le Ltd Roach m'a collé des vêtements en papier, masque en papier, restriction de possessions personnelles, de nourriture et de conteneurs. Il dit que non seulement je l'ai aspergé de merde, lui et le sous-directeur Chance (VRAI) mais que j'ai aussi craché et que j'ai fabriqué une arme avec mon drap (MENSONGES). Le dernier est pour justifier d'avoir confisqué mes affaires et de m'avoir refilé des vêtements en papier. Je n'ai pas craché, pas plus que je n'ai " fabriqué " une arme avec mon drap, mais bon, il était très perturbé de se retrouver avec de la merde dégoulinant le long du visage, sur ses cheveux et sur ses vêtements. Oui, ce n'est pas beau, mais référez-vous à mon article intitulé " Instincts Primaires " pour comprendre l'histoire.

On dirait qu'être assis est la seule chose qui nous soit permise. Selon l'avis de certains, le choix ne se serait pas porté sur des excréments, mais plutôt sur le ton du " le sang appelle le sang ". Comme disait Rambo : " ils ont fait couler le sang les premiers ".

Aujourd'hui, le 20 janvier, j'avais prévu de me lever et d'écrire quelques lettres, répondre à mon courrier et écrire cet article, c'est ce qui était prévu. Mais ce n'était qu'un plan tout au plus, tout a merdé car, en fait, j'ai été réveillé par le petit-déj plus tard que d'habitude (entre 3 et 4 heures du matin), il était 5h45 du matin. Les gardiens m'ont filé mon plateau spécial puisque je suis en restriction de conteneur. Mon plateau comportait une brique de lait, aucun gobelet pour moi, deux gauffres, 4 quartiers de poires, un morceau de saucisse, pas de sirop. Je mange un morceau, c'est GELÉ. Légalement, les repas sont sensés être servis à une certaine température. " Hé gardien, tout est froid, appelez donc un responsable ". Il me répond " Ouais, d'accord ". Il s'en va, son service se termine. Alors je tape dans ma porte et demande à voir un gradé, personne ne se déplace. J'allume un feu, personne ne vient, je me coupe, personne ne vient, je commence à innonder, personne ne vient. Finalement à bout de force et affamé, je mange la nourriture froide. Dans l'innodation, finalement deux sergents se pointent. " C'est quoi le problème ? " J'explique. " Ok, on va vérifier ". La pacification a son mieux. Ils ne sont pas revenus, je suis fatigué.
C'est l'heure de la sieste.

Revenez la semaine prochaine, merci de m'avoir lu.

Dans la lutte,

Paul Colella

Lettre au directeur Zeller

Une fois de plus, je m'adresse à vous afin d'aborder plusieurs problèmes. Je vous écris à vous, pas au Major Lester ou au Capitaine ou aux Lieutenants. Je ne comprends pas pourquoi ma dernière lettre est redescendue dans la hiérarchie car vous êtes la seule personne susceptible de pouvoir résoudre ce type de problèmes. Vous êtes chez vous et donc c'est vous le maître à bord.

Je suis ici suite à une erreur judiciaire, mais là, il n'y a rien que vous puissiez faire. Mais je voudrais vous expliquer pourquoi je me comporte ainsi et CECI en est la raison principale. JE NE DEVRAIS PAS ÊTRE ICI ! Récemment, j'ai pris le temps de lire le death row plan *. J'y ai lu que le niveau II est réservé à ceux qui ne respectent pas le règlement et que le niveau III est pour ceux qui ne respectent pas le règlement et qui sont violents. Le système de classification n'est pas respecté, purement et simplement. Des prisonniers qui ne sont pas DES IRRESPECTUEUX CHRONIQUES se retrouvent au niveau II, Alvin Kelly, John Penry, Michael Toney, Roy Pippin, Bob Fratta, Windell Broussard, pour n'en nommer que quelques uns. Certains d'entre eux ne sont d'ailleurs plus au niveau II. Et puis il y a les autres qui ont été placés au niveau III qui sont des irrespectueux chroniques mais qui ne sont pas violents, Leon Dorsey, Bobby Ray Hopkins, moi-même, Jackis Wilson, Derrick Jackson. Aucun d'entre nous n'aurait dû être placé au niveau III. Ce système n'a pas été conçu pour cela. Il y a déjà fort peu de motivation pour que nous nous comportions mieux ou bien. Qui plus est lorsque il a des abus flagrants du système qui nous prouvent que le règlement n'est pas respecté, du coup, nous finissons nous aussi par l'ignorer. Tout cela ne fait que tracer un cercle infernal.

Je me suis comporté et j'ai agi en faisant probablement ce qu'il y a de pire derrière les barreaux. Mais personne ne semble s'intéresser à la cause. Tout le monde se dit que nous agissons pour nous faire remarquer. Ce n'est pas vrai et je pense qu'avec le temps que vous avez passé dans les tranchées avec nous, VOUS SAVEZ que ce n'est pas vrai.

Personnellement, je pense qu'il n'y a aucune motivation pour encourager les bons comportements. Je dois avouer que depuis notre mouvement de protestation, la nourriture s'est quelque peu améliorée et, moi le premier, j'en suis très reconnaissant. Mais il ne s'agit là que d'un début. Quand vous nous avez déplacés au niveau III dans ces nouvelles cellules, elles étaient crades. Il y avait des champignons qui poussaient dans les fissures et dans les coins, il y avait de la nourriture sur les murs. On ne nous avait pas donné de produits de nettoyage, d'ailleurs nous n'en avons toujours pas. Nous devions en recevoir le 12 janvier, mais toujours rien. Les trappes n'ont toujours pas été nettoyées, on y trouve encore des produits de soudure. Les fenêtres en plexiglass sur les portes de nos cellules sont très sales et elles sentent mauvais. Nous avons tous demandé à ce qu'elles soient nettoyées, mais en vain. On nous radote toujours la même chose " ok, on va s'en occuper ". Pacifier plutôt que de rectifier.

Concernant les gazages. Je ne sais pas quel est le règlement en terme de décontamination d'une zone ou d'une cellule gazée, mais en tout cas, les gradés nous ont dit que toutes ces zones doivent être décontaminées. Venez donc voir l'état des barreaux de la cellule de récréation et dans la cour. Il y en a une pellicule partout. Si vous vous frottez ou si vous respirez trop près, vous en souffrirez des conséquences.

Une autre décision qui est de votre seul et unique ressort ; l'achat des produits d'hygiène pour les détenus du niveau III. Il n'y a aucune raison pour que nous ne puissions pas acheter de dentifrice, du déodorant ou du savon. Je peux comprendre l'interdiction d'acheter du shampoing, et même ça on peut le trouver en tube. Il n'y a pas de raison parce que j'ai enfreint le règlement que j'ai à supporter une mauvaise haleine ou des odeurs corporelles, ce qui revient en fait, à me traiter comme un animal. Il s'agit là de nécessités de base. Pas des désirs, des nécessités. Il est plutôt rare d'obtenir de la poudre pour les dents et seulement 3 ou 4 pains de savon, pas de déodorant ! Vous pouvez prendre la décision de nous accorder un achat par mois pour le dentifrice et le déodorant.

Présence des gradés et des gardiens. Il est vraiment nécessaire d'avoir des lieutenants, capitaines, majors et même des membres de la direction en accord les uns avec les autres lorsqu'il y a un problème. J'en ai discuté avec les autres et nous en sommes arrivés à la conclusion que nos demandes devraient avoir une chance d'ouvrir une porte vers une solution, sinon autant pisser sur un violon. Beaucoup d'actions et de réactions extrêmes seraient évitées. Nous avons un problème avec un gardien qui sait qu'il ou elle a tort et refuse par conséquent de faire déplacer un gradé pour nous dire qu'il n'y a rien à faire. De ce fait, le problème dégénère et devient un truc majeur. Vous ne pouvez pas imaginer que cela nous amuse de nous faire gazer, tabasser ou même de prendre des rapports disciplinaires. Nous serions vraiment branques, mais cela nous est égal si c'est nécessaire pour résoudre un problème.

A Ellis 1, oui je sais ici nous ne sommes pas à Ellis, mais à Ellis nous étions autorisés à assister à la commission de classification et donc à présenter notre cas, le pourquoi et le comment d'un incident, ou de déposer un I-60 pour obtenir un entretien avec le directeur. Je peux parler très rationnellement, pourtant, le sentiment d'être endoctriné et embrouillé me fait grimper aux rideaux. Bon sang, Directeur, j'ai plus de respect et j'accepte une réponse même si je ne peux rien y faire, plutôt que d'entendre " ok, on va s'en occuperŠ " " on va voirŠ " " c'est untel qui s'en occupe, je lui en ai parléŠ " tout cela pour s'apercevoir au bout du bout que l'intéressé n'a été mis au courant de rien du tout. Le Ltd Bolton et le Capitaine Monroe sont les seuls qui ne me mènent pas en bateau quand il y a un problème. Tendez-nous une oreille, bon sang ! Comme je vous le disais plus haut, donnez nous une opportunité de résoudre les problèmes et vous verrez la différence. Allons débattre ensemble des classifications pour déboucher vers une décision juste.

Certains d'entre nous n'ont aucun espoir, ils n'ont plus rien à perdre. Un jour ou l'autre, l'un d'entre eux dégoupillera, fera quelque chose de terrible ou d'irréversible et on dira que c'était de sa faute à lui, mais tout ça pourrait être évité si nous étions traités avec justesse et rigueur et pas avec " le prisonnier a toujours tort " parce que ça, ce n'est pas l'attitude a adopter. Je suis d'accord pour admettre que parfois les attitudes sont moches mais s'il y avait un vrai effort, je serais le premier à parier que nous serions tous plus rationnels et aussi plus souples.

Le couloir de la mort est un monde à lui tout seul. Chaque jour nous faisons face à la probabilité de notre propre exécution. Bien sûr la plupart du personnel estime que si nous sommes ici , c'est que nous avons ce que nous méritons. Super. Ils ont le droit de penser ce qu'ils veulent. Mais, leurs ressentiments ne devraient pas se manifester à travers leurs paroles ou leurs actions envers nous. Au contraire, ce genre de chose devrait être mis de côté pendant le travail. Je suis convaincu que les gardiens assignés au couloir devraient être plus âgés et formés pour nous gérer de façon plus professionnelle.

Nous ne recherchons ni compassion, ni sympathie, juste de la compréhension et du respect suffiraient à trouver un équilibre. La raison pour laquelle j'évoque l'âge des gardiens, c'est parce que souvent avec un peu de bouteille, ils sont plus posés, plus détendus et plus respectueux face à nos problèmes. Ce qui en soit élimine déjà une partie du problème lui-même.

Vous voyez, Monsieur Zeller, que cette lettre vient en complément de la précédente communication et ce n'est pas pour pleurnicher ou ronchonner. Ces problèmes sont profonds mais peuvent être résolus facilement si nous y travaillons de deux côtés des barreaux. Vous ne pouvez pas faire que tirer sur la corde. Il nous faut tous faire des efforts pour obtenir un résultat et un environnement plus sain. Mais ceci ne peut aboutir sans la reconnaissance de la situation actuelle pour ensuite résoudre ces problèmes.

Je vous ai déjà écrit avec l'espoir que non seulement vous seriez au courant mais que vous essaieriez de trouver des solutions. La liste est longue, les solutions relativement simples.  Je vous demande de prendre en considération les éléments que je vous soumets, je n'aurais aucun problème à en discuter avec vous mais la balle est dans votre camp. Comme je vous l'ai dit, je suis tout à fait à même de tenir une conversation si je sais que je suis écouté et entendu.

Je vous remercie de votre temps.

Veuillez croire, à l'expression de mes respectueuses salutations.

Paul Colella #999045 12ff74

* Death Row Plan : vient en complément du règlement général qui définit les conditions d'incarcération. Le death row plan comporte des conditions particulières qui ne s'appliquent qu'aux condamnés à mort.

Traduction par S. Ageorges - (c) La reproduction totale ou partielle de ce document ne peut se faire sans l'accord préalable de l'auteur.

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