Publié dans "The Echo" - Mars 2000
LA PEINE DE MORT AU TEXAS N'EST PAS LE REFLET D'UN  JUGEMENT PRÉCIPITÉ
Par le Ministre de la Justice du Texas, John Cornyn

Une récente avalanche d'histoires et de déclarations dans les média suggère que l'exécution d'un meurtrier au Texas ne serait que le reflet d'un jugement précipité. Rien ne saurait être aussi éloigné de la vérité. Nulle part dans ces histoires, il n'est mentionné que la durée moyenne d'incarcération pour un condamné à mort au Texas est maintenant de huit ans et demi, période durant laquelle ces dossiers sont soumis à une série de procédures d'appels. De même, je n'ai rien lu concernant Excell White et Sammie Felder Jr qui ont respectivement passé 24 et 23 ans dans le couloir de la mort avant d'être exécutés l'année dernière.

L'histoire qui a joyeusement décidé de la façon dont le Texas aborde cette question, a été mise en lumière par la décision du Gouverneur d'Illinois, George Ryan, d'imposer un moratoire dans son état, sans parler bien sûr, de l'attention internationale liée à la candidature de
 George W. Bush à l'élection présidentielle.

S'il y a eu des erreurs judiciaires en Illinois, ici nous sommes au Texas, pas en Illinois.

Permettez-moi de vous accompagner sur le chemin de notre procédure pénale lorsque que quelqu'un est accusé d'un crime passible de la peine capitale. Comprenez bien que seuls les meurtres les plus horribles - preuves indiscutables à l'appui - mènent à la peine capitale. Les accusés se voient dicter leurs droits Miranda* au moment de leur arrestation. Une mise en examen en découle basée sur des motifs raisonnables. L'accusé a droit à un avocat, à un procès où il sera jugé par ses semblables sous la supervision d'un juge et d'un verdict voté à l'unanimité.

Attendez, il y en a encore d'autres choses.

Pour les dossiers de peine capitale, le procès se fait en deux temps. Tout d'abord, il y a la question de la culpabilité. Le jury détermine si oui ou non l'accusé est coupable d'un crime passible de la peine capitale. Il doit y avoir un ou plusieurs facteurs aggravants, ie. Le meurtre de plusieurs personnes commis en même temps ou le meurtre d'un enfant de moins de 6 ans sont des éléments requis pour qu'un crime soit passible de la peine de mort.

Ensuite, il y a la phase de la sentence.

Il doit y avoir un vote unanime concernant la culpabilité d'un meurtre induisant la peine capitale avant que cette phase ne puisse être abordée. A ce moment-là, le jury doit répondre à deux questions :

1/ Croyez-vous en votre âme et conscience que la personne que vous venez de condamner à mort représente une menace irrémédiable pour la société ?

2/ Pensez-vous que des circonstances atténuantes puissent justifier que cette personne termine sa vie en prison plutôt que d'être exécutée ?

À nouveau, le vote doit être unanime. Le jury doit répondre oui à la première question et non à la seconde. Si la réponse à la première question n'est pas unanime, la deuxième question n'est même pas posée.

Et il y a encore d'autres choses, beaucoup d'autres choses. Selon les lois de notre état, chaque dossier de peine capitale passe automatiquement entre les mains de la Cour d'Appels. Les juges étudient le dossier afin de confirmer que des preuves suffisantes justifient la sentence de mort. Parfois, ce n'est pas le cas. La Cour casse la sentence et renvoie le dossier devant un tribunal pour un nouveau procès. Les condamnés à mort ont également accès à une série d'appels en habeas corpus, qui permet d'étudier l'équité du procès lui-même.  Ces appels étudient les problèmes tels que la compétence de la représentation juridique de l'accusé ainsi que les preuves présentées par la partie civile.

Les condamnés à mort et leurs avocats présentent ces appels non seulement devant la Cour d'État mais également devant la Cour Fédérale. Pendant la procédure d'habeas corpus de chaque dossier, les preuves sont aussi passées en revue par la Cour Fédérale du district, par la Cour du 5ème Circuit et par la Cour Suprême des Etats-Unis, chacune examine la totalité des éléments d'un dossier.

En bref, un jury composé de 12 personnes et pas moins de 22 juges étudient chaque dossier. Vous comprenez maintenant pourquoi la durée moyenne d'incarcération dans le couloir de la mort est de plus de 8 ans, même depuis la loi de 1995 qui exige que la Cour d'Appel étudie simultanément l'appel concernant le procès et les aspects d'habeas corpus concernant l'intégrité de la procédure.

Ensuite, il y a le pouvoir du Gouverneur de commuer une peine de mort, selon la recommandation de la Commission des Pardons et des Conditionnelles.

Les condamnés à mort, pour la plus grande majorité d'entre eux, ont à leur disposition des avocats compétents pour les assister lors des différentes phases d'appels en Court d'État comme en Cour Fédérale.

Les condamnés à mort indigents ont droit à deux avocats, un s'occupe de l'appel direct et le second de l'appel en habeas corpus. Aucun de ces deux avocats ne peut être celui qui a préalablement représenté le condamné lors de son procès.

Le condamné à mort est également représenté par un avocat commis d'office lors de la procédure en Cour Fédérale.

Prétendre que la peine de mort est administrée avec légèreté au Texas n'est qu'un mensonge.

Alors, la prochaine fois que l'on vous demande de penser à Larry Keith Robison, Billy George Hughes Jr et Glen McGinnis, tous condamnés pour des meurtres passibles de la peine capitale qui ont été exécutés par l'État du Texas, je vous demanderais de penser à leur sept victimes : Ricky Lee Bryant, Georgia Ann Reed et son fils de 11 ans Scott Reed, Earline Barker, la mère de Georgia Reed qui se remettait à peine d'une intervention chirurgicale au cerveau, Bruce Garnder, Mark A. Frederick un fonctionnaire du département de la sécurité publique et Leta Ann Wilkerson, âgée de 30 ans et employée dans un pressing. Ces sept personnes ont aussi été exécutées, mais aucune d'entre elles n'a bénéficié des procédures accordées à Robison, Hughes et Mc Ginnis.

* Le droit Miranda : lors d'une arrestation, tout suspect doit avoir connaissance de ses droits : le droit de rester silencieux et de ne pas coopérer, le droit d'être assisté par un avocat à chaque moment durant un interrogatoire, le droit à un avocat commis d'office désigné par un juge.

(source originale " Houston Chronicle ")


H. W. Hank SKINNER #99143
Le 17 mars 2000,
Lettre au rédacteur en chef à propos de : John Cornyn - Other Opinion  10/3/00

Amarillo Daily News
900 Harrison/PO Box 2091
Amarillo, TX 79166-0001

Monsieur le Rédacteur en Chef,

J'espère que vous imprimerez ce qui suit :

Cette lettre souhaite répondre à la déclaration faite par le Ministre de la  Justice du Texas, John Cornyn, dans votre section " Other Opinion " du 10 mars 2000. La rhétorique de Monsieur Cornyn peut être décrite tout au plus, comme une flatterie politique du plus bas niveau. Il n'y a pas un mot qui soit vrai dans sa déclaration, tout cela ne relève que de la propagande de son parti destinée à renforcer les incroyables déclarations de " Dubya " pour sa campagne présidentielle. Prenez en considération ce qui suit :

Lorsque George W. " Dubya " Bush déclare qu'il n'y a aucun innocent dans le couloir de la mort du Texas et que le Texas n'a jamais exécuté un innocent, ces déclarations sont tout simplement mensongères. La Cour Suprême des Etats-Unis a reconnu que Leonell Herrera était innocent, tout comme Jesse Jacobs et comme David Spence. Mais ces exécutions ont pu avoir lieu parce que ces hommes sont supposés avoir bénéficié d'un " procès équitable ". Ils disent que la Constitution ne garantit pas que des citoyens innocents ne puissent pas être mis à mort, elle garantit seulement un " procès équitable ". Qu'y a t-il d'équitable dans l'exécution d'un innocent ? L'ordre du jour serait plutôt tourné vers une procédure illégalement restrictive que vers l'équité, tout dans l'intérêt de la finalité et du fédéralisme.

" Seuls les plus horribles meurtres - preuves indiscutables à l'appui - mènent à la peine capitale au Texas ". FAUX. Des procureurs sans scrupule et trop zélés sont réputés pour affûter les preuves et les rendre " irréfutables ". Souvenez-vous du fiasco du " Docteur " Ralph Erdmann qui faisait des " autopsies " à la commande dans le dossier Merriman et de tous les autres qui ont finalement été découverts. Ou le scandale Fred Zain avec ses fausses preuves de laboratoire scientifique. Randall Dale Adams, Clarence Bardley. Quelqu'un se souvient d'eux ?

Avec 452 condamnés à mort dans le couloir du Texas, vous pouvez être certains qu'il y a un pourcentage d'innocents ici. Probablement 6 à 8% et ce n'est là qu'une estimation prudente.

Je fais partie de ce pourcentage. Mon dossier comporte des malversations judiciaires de la pire sorte, commises par la partie civile et par mon avocat commis d'office pour mon procès. Lorsque ces malversations ont été découvertes ainsi que les preuves irréfutables de mon innocence, le juge du procès, M Kent Sims, appuyé par la célèbre Cour d'Appels, a rejeté mon appel en habeas corpus car il avait été déposé avec quelques heures de retard, et ce à cause du mauvais fonctionnement du télécopieur de ce même juge - qui fonctionnait sans doute très bien et n'était certainement que débranché.

L'appel en habeas corpus de Paul Colella, Ricky Kerr, Laroyce Smith et Bob Coulter ont été déboutés de manière similaire à cause de  l'interprétation draconienne par la Cour d'Appel de la loi " Appels accélérés " votée en 1996, à laquelle fait référence Monsieur Cornyn. Ceci a incité les deux seuls juges intègres de cette Cour, Morris Overstreet et Charles Baird, à rendre tous deux des opinions dissidentes dans lesquelles, ils déclarent " si ces dossiers sont ignorés de cette façon, la Cour (et donc l'État du Texas) aura du sang sur les mains ". Les juges Overstreet et Baird ne sont plus membres de la Cour d'Appel.

Quelle différence pour un homme qui passe 8 ans ou 80 ans dans le couloir de la mort si pendant ce temps-là, il n'a jamais accès à une révision de son procès digne de ce nom, sans aucune application équitable de la loi ? Dans ces dossiers où l'inculpation et/ou la peine de mort ne sont étayés par aucune preuve, " La Cour (d'Appel du Texas) casse ces sentences et les renvoie au tribunal pour un nouveau procès ". NON, ILS NE LE FONT PAS. Lorsque qu'un dossier méritoire est présenté devant la Cour d'Appel, ils trouvent diverses excuses pour rejeter l'appel de façon arbitraire. C'est ce que les preuves et les faits démontrent, Monsieur Cornyn, dossier après dossier.

La loi " Anti Terrorism and Effective Death Penalty Act " de 1996 ferme effectivement les portes de la Cour Fédérale à ceux qui sont le coup d'une sentence de mort d'État. Oh, bien sûr, les Cours revoient les dossiers, mais cette révision n'est qu'une procédure administrative alors que tant de voies méritoires pour une révision sur le fond sont exclues de fait par la procédure de l'habeas fédéral que la dite révision n'est tout au plus qu'une comédie pitoyable et dépourvue de sens. " The Great Writ " (le grand appel) a été dépouillé de sa force substantive et de son effet.

" Les condamnés à mort, pour la plus grande majorité d'entre eux, ont à leur disposition des avocats compétents... " dit Mr Cornyn. Vraiment ? C'est sans doute ce que l'avocat de Ricky Kerr a admis dans son témoignage sous serment en certifiant qu'il n'avait jamais auparavant représenté quelqu'un accusé d'un meurtre passible de la peine capitale et qu'il était incompétent pour assumer cette représentation, après que son appel déposé auprès de la Cour( d'Appel) fut rejeté au motif qu'il ne présentait aucune issue valable en vue d'une révision et ne citait aucun élément nouveau permettant d'envisager une quelconque révision.

Ceci explique peut-être aussi pourquoi l'avocat de Calvin Burdine a dormi pendant la plus grande partie du procès. Il était tellement expérimenté qu'il n'avait pas besoin d'entendre les preuves ou de représenter son client. Tout cela parce qu'il savait que Burdine, homosexuel et ne le cachant pas, serait condamné à mort de toutes façons.

Ce ne sont là que deux exemples parmi tant d'autres. Mais quand bien  même, si les accusés étaient représentés par des F. Lee Bailey ou des  Johnnie Cochran, cela ne ferait aucune différence puisque les tribunaux ignorent les éléments qui leur sont présentés, y compris les preuves matérielles de l'innocence de l'accusé.

L'association Texane des avocats de droit pénal a voté une motion demandant à ses membres de refuser toute mission de représentation dans les cas de peine capitale car la Cour d'Appel est devenue tellement célèbre pour ces rejets systématiques à coups de tampons. La TCDLA sait pertinemment que les avocats qui acceptent ce type de mission ne font que contribuer à l'intention première de ces tribunaux d'exécuter ces prisonniers à n'importe quel prix. Tout cela au détriment de la justice, de l'intégrité judiciaire, d'une réelle procédure d'appel et d'une application constitutionnelle de la loi.

Il est intrinsèquement injuste et sectaire de comparer la procédure pénale de l'État avec les actes des individus qui ont commis des meurtres en déclarant que ceux-ci n'ont pas " accordé à leurs victimes la même procédure équitable que l'État du Texas propose aux condamnés à mort " comme Monsieur Cornyn le dit. Les personnes qui commettent des crimes le font à chaud, dans le feu de l'action, ils ne passent pas huit ans et demi à calculer méticuleusement et à planifier le meurtre délibéré et insidieux d'un autre être humain en l'attachant et en lui injectant un cocktail de poisons dans les veines comme le font les fonctionnaires de l'état du Texas.

Monsieur Cornyn parle ainsi au nom de l'état, il déclare "Pour sûr, nous sommes aussi des meurtriers mais notre cause est juste, nous prenons notre temps et nous le faisons dans les formes de la procédure bureaucratique. Ce n'est que " l'industrie de la mort " les gars. Nous mettons à leur disposition une procédure équitable qu'ils ne proposent pas à leurs victimes, donc nous avons tous les droits, non ? ". FAUX.

Un meurtre est un meurtre. L'addition de deux mauvaises actions ne fait pas une bonne action. L'état et les tribunaux se doivent d'utiliser des arguments plus judicieux, ils doivent être tenus à des standards de contrôle moral et éthique plus élevés avant de rendre des jugements de vie ou de mort, bien au-delà de ceux utilisés par les soi disant meurtriers (selon Mr Cornyn). Sinon, l'état ne vaut pas mieux que les meurtriers qu'il arrête et poursuit en justice.

De la sympathie doit être exprimée à l'égard des victimes et de leurs proches et de la tristesse pour la tragédie qu'ils endurent. Ils méritent amour et attention. Mais les fonctionnaires, y compris Messieurs Cornyn et Bush, ne devraient jamais se permettre de se flatter auprès du public en exploitant la tragédie, la douleur et la souffrance des victimes de crimes violents ou de leurs familles. Il ne peut y avoir de justification valable pour un tel détournement de misère afin d'obtenir les faveurs des électeurs. Pas plus qu'il ne peut y avoir de justification pour ces meurtres légaux et vengeurs que sont les exécutions.

De par sa propre déclaration, Mr Cornyn se dévoile tel qu'il est : un politicien de bas étage et sans scrupule qui fera tout ce qui est possible pour obtenir plus de soutien pour lui et Dubya jusqu'à utiliser vos émotions et à enflammer vos désirs de vengeance contre ceux qui sont supposés avoir tué. C'est écoeurant. Vous devriez vous poser cette question : " est-ce vraiment le type de personne que je souhaite voir élu comme ministre de la justice ou comme président ? "

Sincères salutations,

Hank Skinner
 

Traduction par S. Ageorges

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