Au Bord du Gouffre
par Paul Colella
Février 2002
Le silence de la majorité des condamnés à mort me surprend et me consterne. Notre problème se résume au silence car si nous ne parlons pas à voix haute personne ne saura jamais notre déprime, notre anxiété pas plus que le sentiment d'impuissance et de désespoir que nous devons endurer. En tant que condamnés à mort, nous sommes déjà sous le poids d'un stress énorme et d'une anxiété mentale qui sont quotidiennement renforcés par la torture  psychologique et physique que nous subissons.

Une poignée d'entre nous se lève pour protester et essaye de faire valoir nos droits mais l'administration tente d'étouffer nos efforts et de nous étiqueter comme des fauteurs de trouble en disant : regardez, il y a plus de 450 hommes ici et 430 d'entre eux sont pacifiques ; nous savons que ce ne sont que des conneries. Larry Todd et Larry Fitzgerald se seraient intégrés parfaitement dans la machine de propagande hitlérienne. Ils mentent, bien sûr qu'ils mentent mais comment nous, condamnés à mort, pouvons-nous le prouver ? Je connais plusieurs hommes ici qui, petit à petit, s'enfoncent loin de la réalité. La dépression et le désespoir sont à un tel point qu'ils restent allongés sur leur lit et fixent les murs des heures durant. Ils ne savent pas à qui parler ou à qui écrire. Ils souffrent en silence, peur de parler car la punition est monnaie courante ici à Polunsky.

Je pense pouvoir dire qu'ici, dans le couloir de la mort, nous sommes malheureux mais que la plupart d'entre nous ne comprennent pas qu'en protestant contre les conditions de détention, ils pourraient faire la différence. Cela ne se fera pas en une nuit, et ils devront sans doute sacrifier certaines choses matérielles auxquelles ils sont attachés, pourtant la situation changerait si nous faisions entendre notre voix pour faire valoir la vérité. Il n'y a pas de honte à exprimer sa déprime et son désespoir. Il n'y a pas de honte à de demander de l'aideŠ Il n'y a de honte que dans notre silence.

Je suis dans le couloir de la mort depuis 9 ans, dont 7 ans passés à Ellis où l'interactivité sociale et créative était autorisée, où nous avions la télévision et les journaux et où, s'il y avait un problème, quelqu'un s'en occupait avant que tout prenne des proportions ridicules. Ces deux dernières années ont été un enfer. J'ai observé certains hommes se détériorer. Des mecs qui restent couchés, d'autres qui perdent la tête. J'ai lu récemment dans le Dallas Morning News un article à propos de Monty Delk qu'on appelait un " homme dérangé " ou un " simulateur " ? Ils remettent en question la maladie de Monty. Je l'ai côtoyé pendant des années et s'il faisait semblant alors il a raté le coche, il aurait pu devenir milliardaire à Hollywood. Je l'ai vu faire des trucs qu'aucun homme sain d'esprit ne pourrait faire.  Il a perdu la tête après être arrivé dans le couloir. Ceux qui sont tombés dans le gouffre plutôt que de subir ces tortures sont Emmanuel Kemp, Charles Mines, Shhid Babini, Victor Saldono, Alen Ripokowski et la liste s'allonge. Certains tentent de cacher les symptômes de leur folie. D'autres ne savent même pas qu'ils sont en train de glisser dans le gouffre. Combien d'autres vont disparaître ainsi ? Si vous avez quelqu'un que vous aimez à la prison de Polusnky, encouragez les à s'exprimer et à parler de ce qu'ils endurent avant qu'ils ne tombent DANS LE GOUFFREŠ

Paul Colella
#999045

Traduction par S. Ageorges - (c) La reproduction totale ou partielle de ce document ne peut se faire sans l'accord préalable de l'auteur.

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