Entrez dans la Folie - II
Par Leon Dorsey
Le 7 février 2002, 3h52am
La douleur ! ! Ca fait mal ! Ca fait mal !

Le feu chimique craché par la gueule du dragon de l'administration me tire violemment de mon sommeil superficiel. La douleur. Le vestige de mon rêve, pas l'assertion ambivalente de cette réalité du couloir de la mort dans le bloc F ! Je crache un râle, un autre jour, douleur d'hier soir ; toujours ce feu insatiable sur mes parties génitales, sur mon torse et sur mon dos. Les produits chimiques sont une vraie saloperie ! Mais voilà, il faut faire avec !

J'ai mal, tout en essayant d'ignorer ces brûlures, une fois de plus je laisse la douleur devenir monotone. La douleur est une faiblesse qui quitte le corps ! Mais voilà, il faut faire avec ! J'exorcise la douleur avec le rire pour libérer la colère, la frustration, je tourne, 1, 2, 3, je vire, 1, 2, 3. Je rôde dans l'étroitesse de ma cage, recherchant une échappatoire à la douleur, je ne trouve de réconfort que dans mes pensées de vengeance. La prochaine fois que je pense à cette douleur, c'est immédiat comme la faim. Je réalise à nouveau que je ne suis pas heureux ici. Je ris, me concentrant sur la douleur pour mieux la gérer, la douleur et moi ne faisons qu'un. Je rôde dans l'étroitesse de mon enfermement. Je marche de plus en plus vite. Je contemple mes excuses pour ne pas avoir lutter contre ce dragon jusqu'à la moelle. J'ai mal. Ca brûle. Des excuses, il faut que j'écrive sans me faire de cadeau. J'ai peur, peur de la prochaine fois parce qu'il y aura une prochaine fois. Je rôde encore plus vite, 1, 2, 3, je vire, 1, 2, 3, je tourne, 1, 2, 3, je me perds dans des tas de conneries sans importance. Alors ne pas penser à ma peur, peur de douleur amplifiée, d'être brisé et contusionné. Mais je suis fort ! Ma cause est vraie, même avec la peur. Je suis fatigué de ces conditions de vie lugubres, nous sommes fatigués de cette survie et las de ces traitements. La peur et la douleur me rappellent que je suis vivant. Contrairement à certains, je suis un homme, pas l'ombre de moi-même intimidée et perdue dans le découragement.

Je souris, mes démons intérieurs luttent pour ne pas briser leur liens ce qui ajouterait d'autres douleurs. La misère aime la compagnie, 1, 2, 3, je tourne, 1, 2, 3, dans la solitude, la douleur intérieure, plus dangereuse, plus blessante, contrairement à la douleur physique. Le temps ne peut avoir raison de la solitude, il ne fait que l'ancrer plus profondément à l'intérieur de l'âme. 1, 2, 3, je vire, 1, 2, 3. Je repense à hier, à la brume orange du feu, un jet d'adrénaline, ouvrez la 73, ouvrez la 73, un gros bruit, 5 contre 1, la force de l'altercation, tout nu et roulé dans les vapeurs du feu chimique. Je me retrouve en train de sourire et le gaz est une vraie saloperie ! Mais voilà, il faut faire avec ! Demain, peut-être le jour suivant, qui sait, mais bientôt, tout comme je sais qu'il y aura toujours la faim, encore plus de mauvais traitements, plus de solitude et toujours plus de gaz, ma colère et ma frustration nourrissent la douleur.

Ca fait mal ! Ca fait mal ! Mais voilà il faut faire avec la douleur !

Leon Dorsey
#999359

Traduction par S. Ageorges - (c) La reproduction totale ou partielle de ce document ne peut se faire sans l'accord préalable de l'auteur.

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