Un Éternel Recommencement ?
Par Paul Colella
Mars 2002
Vous vous souvenez de la prison d'Attica ? Là où la brutalité, l'humiliation, la torture psychologique, la famine, la dégradation et l'isolement faisaient loi ? Tout cela s'est terminé par une fin vicieuse lorsqu'un groupe de prisonniers a été tellement usé d'être traité comme des animaux qu'ils ont pris le contrôle d'une cour de récréation, pris 40 gardiens en otages puis ils se sont abandonés corps et âmes. Pendant 5 jours, ils ont fait connaître leurs revendications et exposé leurs doléances mais en vain. Le résultat final : 31 prisonniers et 9 gardiens morts après une rafale de coups de feu. Les fonctionnaires de la prison se sont confondus en excuses qui, plus tard, se sont avérées n'être que des mensonges. Ce n'était pas la seule émeute à cette époque-là. Ce n'était qu'une parmi tant d'autres qui ont eu lieu peu de temps après l'assassinat de George Jackson, un prisonnier révolutionnaire qui s'était fait tiré dans le dos alors qu'il était soit disant en train de " s'évader ". Il s'est avéré ultérieurement que cela faisait partie d'un complot pour l'éliminer. Il avait prédit sa propre mort aux mains des gardiens, mais il a continué malgré tout son travail pour informer les autres sur ce système basé sur la brutalité et la torture. Sa mort a déclenché une série de protestations à propos des conditions de détention et des abus subis par les prisonniers.

" Le degré de civilisation d'une société se reconnaît à ce qu'il se passe dans ses prisons " F. Dostoïevsky.

Aujourd'hui aucun système pénitentiaire ne peut être pire que celui de 1971. Des mesures ont été prises pour réduire la violence, mais les faits sont là pour prouver que les prisonniers sont toujours soumis à de la brutalité gratuite comme dans le cas de Frank Valdes, un condamné en mort en Floride battu à mort le 17 juillet 1999. Le procureur a dit que c'est arrivé parce qu'il tentait d'exposer la violence du système pénitentiaire en Floride. Je suis certain qu'il n'avait jamais imaginé devenir le martyr de la cause qu'il défendait car Frank Valdes est un exemple parmi de nombreux autres. Cela arrive beaucoup plus souvent qu'on ne veut bien l'admettre. Dans le système actuel des prisons de haute sécurité, la violence continue de façon alarmante mais sur une échelle plus petite, sous forme de privation sensorielle, d'humiliation et de dégradation qui règnent en maître. Au milieu du 19ème siècle, le directeur du pénitencier de Ossining New York disait : " Pour réformer un criminel vous devez d'abord réformer son esprit ". Aujourd'hui cet état d'esprit sévit toujours.

Dans la prison de Polunsky, à Livingston, Texas ; là où les condamnés à mort sont stockés, une poignée d'entre eux suivent les pas de George Jackson, Frank Valdes et de nombreux autres qui ne voulaient qu'une chose, améliorer les conditions de détention et mettre fin à la violence. La prison de Polunsky ne propose au couloir de la mort aucun programme d'éducation, aucune cérémonie religieuse, aucune activité de groupe, aucune visite de contact avec les familles, aucune télévision, aucun journaux ou magazines, aucun programme de travail ou aucun atelier d'artisanat. Ils sont entreposés dans des bâtiments conçus strictement pour une incarcération punitive. Pourtant depuis plus de 30 ans, les condamnés à mort posent moins de problèmes disciplinaires ou tentatives d'évasion que toute autre population carcérale du Texas. Les gardiens qui sont engagés n'ont aucune formation pour gérer un couloir de la mort. Des gamins de 19 ou 20 ans débarquent ici avec les épaules bien hautes pour prouver qu'ils n'ont pas peur et leurs attitudes ont souvent provoqué des disputes inutiles et des altercations violentes.

La violence des gardiens est monnaie courante. Un gardien va dire ouvertement, lorsqu'il est l'homme de tête d'une équipe d'intervention, qu'il va blesser un prisonnier, pas trop, mais suffisamment pour que le prisonnier en question sache qu'il était présent. De fait, le gardien engendre ce climat. Un autre gardien s'est retrouvé filmé en train de donner 14 coups de poing à Rick Rhoades alors que Rick était menotté derrière le dos et les chevilles enchaînées. Il travaille toujours ici. Une autre fois, Rick a eu une l'épaule luxée et s'est pris encore d'autres coups de poing, tout ça à cause d'une malheureuse brique de lait en carton. Richard Cartwright, menotté et enchaîné, maintenu par quatre gardiens alors que le cinquième le frappait au visage. Lorsque l'infirmière est arrivée, on l'a entendue dire : " Oh, mon Dieu ". Darryl Wheatfall, Paul Colella, Leon Dorsey, Tommie Hughes, tous victimes de cette violence pendant les 45 derniers jours. Le directeur ne veut même pas admettre qu'il y a des problèmes. Il laisse ses gardiens se comporter aussi malicieusement. Howard Zinn a écrit dans le livre " Histoire des Etats-Unis " : " Il apparaît très clairement et les prisonniers se sont rendus compte dès le départ que leur condition ne pourrait évoluer non grâce à la loi mais grâce à la protestation, l'organisation, la résistance, la création de leur propre culture, de leur propre littérature et la construction de liens avec des gens de l'extérieur ".

La coupe de la patience déborde, il est temps de se tenir debout et de parler à voix haute car notre silence nous condamne tous à une violence constante et à la torture psychologique. L'histoire réclame un nouvel épisode. Nous ne pouvons pas laisser les choses se résumer à cela.

VOUS VOUS SOUVENEZ DE LA PRISON D'ATTICA ? ? ? ?

Paul Colella
#999045 - Polunsky Unit
3872 FM 350 South
Livingston
TX 77351-9630
USA
paul@deathrow.at

Traduction par S. Ageorges - (c) La reproduction totale ou partielle de ce document ne peut se faire sans l'accord préalable de l'auteur.

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