La Voix d'un Condamné à Mort
Par Paul Colella
Le 15 février 2002
Dieu et mon pays ne m'ont pas abandonné, enfermé comme un animal en attente d'être euthanasié.  Je ne suis ni malade, ni blessé. Je ne suis pas un indésirable ni un danger pour qui que ce soit. Je ne suis pas au-delà de la rédemption. Mon esprit n'est pas perdu, pas plus que mon c¦ur n'est froid et noir comme ceux qui veulent ma destruction. Il n'y aura aucune démonstration de remord, seulement les regards froids d'automates dépourvus d'émotions qui exigeront la vengeance de la société et la rétribution à travers un meurtre vindicatif, méticuleux et prémédité.

Ma disparition ne ressuscitera pas les morts. Elle n'adoucira pas non plus les sentiments de tristesse et de perte ressentis par les familles des victimes qui ont déclaré ne pas vouloir ma mort. Au contraire, mon décès ne ferait que nourrir ce cercle infernal de la tristesse et de la perte, de la douleur et du désespoir qui découle de la disparition d'un autre être aimé. Qui va souffrir ? Sûrement pas moi, puisque la mort ouvrira la route à l'ange lumineux Azrael qui viendra sur sa monture pour me faire traverser la rivière Styx. Je partirais, sachant que j'irais rejoindre les innocents qui sont partis avant moi. Comme le sablier de la vie qui se vide, je regarderais droit dans les yeux de mon bourreau et je lui pardonnerais parce qu'il sera là pour le jugement dernier et il expiera la vie qu'il aura dérobée.

Mais jusqu'à ce moment, je serais attaché sur une civière, comme pour une simulation de crucifixion, avec le poison qui s'écoulera dans mes veines, j'enragerais ! J'enragerais contre ceux qui, sans raison, m'ont volé ma liberté et tout ce que j'ai de plus cher ; ceux qui m'ont injustement enfermé dans une cage comme un animal pour tenter de dépouiller mon esprit de son humanité ; j'enragerais contre un système basé sur l'hypocrisie et la tuerie, dans lequel les hommes ne sont que des esclaves. Un système qui prône l'humiliation, la dégradation, la brutalité et la torture physique pour briser l'âme d'un homme et lui voler son envie de vivre.

Si par un fallacieux caprice du destin, je ne peux pas recouvrer ma liberté, prouver mon innocence et que je périsse aux mains de la machine à tuer du Texas, cela ne sera pas de mon fait. Je suis innocent de ce pourquoi je suis condamné à mourir.

Pourtant, je ne peux même pas blâmer les douze personnes qui m'ont condamné à la mort. Ils ont été aveuglés par un procureur qui a utilisé d'une main très habile, la désinformation et des mensonges éhontés. Une partie civile qui a sciemment caché des preuves sachant qu'elles pouvaient contribuer à prouver mon innocence. Les douze personnes qui m'ont condamné n'ont été que les pions d'un ministère public très aguerri aux nombreuses facettes d'un cas de peine capitale alors que moi, de l'autre côté, je n'avais qu'un avocat commis d'office qui n'avait jamais auparavant traité un dossier de peine capitale. Il était dans l'ignorance totale quant à la procédure d'un cas de peine capitale. Quand il a demandé au tribunal de lui fournir les fonds nécessaires aux frais d'enquêtes et d'experts, le tribunal ne lui a jamais répondu.

Cet avocat a commis erreur après erreur et même des mois après avoir été informé de l'existence d'un alibi, il n'a jamais cherché à remonter cette piste, laissant à ma mère la tâche de retrouver ce témoin et ce à ses propres frais et sur son propre temps. Ce témoin est quelqu'un de droit, d'indépendant qui travaillait pour le département de la protection de l'enfance à l'époque où ma mère l'a localisé.

Un juré de mon procès a déclaré que s'il avait eu connaissance de ces éléments, il aurait continué à défendre son vote en faveur de mon innocence lors du délibéré. Mais il a subi la pression des autres jurés. TOUTES les preuves matérielles pointent en direction d'une seule et même personne qui a fait un marché avec le procureur pour obtenir l'immunité.

Si tel est mon destin, mon exécution, ma disparition injuste ne sera qu'un autre meurtre, une autre mort dans la précipitation irréfléchie de la justice. Mon sang couvrira les mains d'une société qui refuse de reconnaître la faillibilité d'une pratique barbare et diabolique qui n'autorise aucune marge d'erreur. Car lorsqu'une erreur est commise et qu'une vie innocente est perdue, alors le cercle infernal de la tristesse, du deuil, de la douleur et du désespoir se perpétue à jamais.

Paul Colella
Un condamné à mort

Pour avoir plus d'informations sur mon dossier et sur mon innocence, consulter :
http://www.deathrow.at/paul

Traduction par S. Ageorges - (c) La reproduction totale ou partielle de ce document ne peut se faire sans l'accord préalable de l'auteur.

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